Le terme intelligence me semble mauvais car souvent employé à mauvais escient, et ce depuis longtemps et dans quasiment tous les domaines de la connaissance humaine. La distinction par les capacités À intelligence donc je propose dans cet article le terme de capacité. D'un côté il y a les capacités en acte qui alors caractérisent tout le vivant et même le non-vivant. C'est le côté purement mécanique de toute chose, mécanique donc au premier degré. C'est à dire que dans cette perspective le vivant de type biologique n'a pas le monopole des capacités, loin de là. La capacité est un ensemble de réactions à des processus. Donc même une grosse pierre qui dégringole du sommet de la montagne à des capacités en roulant et écrasant, emportant et modifiant d'autres éléments avec elle le temps de son parcours. Donc des éléments qu'on place dans les catégories/qualificatifs de minéral et d'inerte peuvent présenter des capacités. Cela paraît absurde à priori dans notre contexte de pensée actuel mais on pourrait admirer que cette grosse pierre emprunte un creux de vallée plutôt que de faire l'effort de passer à travers tout. En suivant un creux, la pierre manifesterait une certaine capacité à réagir avec efficience dans son intérêt/objectif de descente de montage. Mais si la pierre passe à travers tout, ne suit aucun creux, aucun chemin mais en creuse un nouveau, on pourrait aussi admirer ses capacités de création, d'effort, d'initiative. D'autres pierres pourront suivre ce chemin. Donc dans cet exemple qui paraît absurde on voit qu'on peut aboutir à trouver "intelligent" un élément solide isolé non-vivant et appartenant aux minéraux. Ce qui nous paraît plutôt contre-intuitif voire insensé, mais qu'on ne peut pas vraiment réfuter à priori. Tout ce raisonnement nous renvoie à des jugements ordinaires qui nous surviennent alors comme inconsistants, comme le classement intra-humain de l'intelligence ; mais aussi le classement d'intelligence en plaçant l'humain au dessus des autres formes du vivant dont animaux, végétaux et mycètes parmi les macro-organismes ; mais aussi le classement du biologique organique en plus intelligent que le non-biologique. T'as un beau potentiel, tu sais Maintenant si on prend le terme "capacité" non pas en acte mais en tant que potentiel. Le potentiel c'est, pour reprendre l'exemple, la grosse pierre qui peut dégringoler, c'est à dire elle en a le pouvoir avant même de le réaliser en acte. En potentiel donc. Il s'agit d'un terme qu'on utilise souvent notamment dans l'éducation et l'économie : "tu as un potentiel énorme, exploite-le!". Mais non la grosse pierre de granit préfère laisser des capacités en potentiel. L'exemple est plutôt amusant parce qu'un éboulement serait vu comme la manifestation d'une intelligence, plus précisément l'intelligence de la grosse pierre de granit. Or il est rare qu'on puisse se dire en voyant du granit qu'il est intelligent, au mieux c'est beau et dense. Donc tout ce qui existe actuellement selon nos perceptions actuelles est une ressource, et toute ressource est un ensemble de capacités, càd une forme d'intelligence. Le bois travail Arrivé ici se pose beaucoup de questions. Un bout de bois en plein soleil peut produire un son en craquant, se dilatant, ce qui pourrait être attribué à une parole. Lol d'ailleurs l'expression veut que le bois "travail" (alors que l'arbre est sensé ne pas être intelligent et qu'en plus sa partie récupérée pour faire un plancher est supposée morte). Nous même nous parlons souvent sans savoir ce qu'est la parole, sans savoir pourquoi, mais nous parlons. Qu'est-ce qui distingue l'un de l'autre ? Cette question n'est pas pertinente en fait, surtout pour traiter l'intelligence, et tient plus de la défense d'une singularité spécifiquement humaine, ce qu'on appellerait ego parfois. On peut trouver des yeux plus performants que ceux de l'humain dans tout le vivant actuel, mais cela ne veut pas dire que les yeux des humains ne valent rien. Bien sûr les yeux humains sont quelque part uniques et spécifiques, mais ils ne sont pas les seuls formes de vie à bénéficier de ces organes de perception, et encore moins les plus performants. Ah profitons ici de ce concept de performance. La performance, par exemple d'un organe/membre, ne fait pas systématiquement son utilité. On se demande par exemple si les yeux des huitres qui peuvent voir très loin dans le ciel leur servent à comprendre ou expérimenter quelque chose de fondamentale dans leur existence. On se demande aussi à quel point ça ne leur sert à rien si elles voulaient éventuellement échapper aux papilles des humains et autres formes de vie qui pourrait s'en nourrir. À travers donc les exemples de la grosse pierre de granit et des yeux de l'huître on voit que l'intelligence est extrêmement relative, et que nos conceptions actuelles à cet égard semblent soudainement très étriquées, pour ne pas dire totalement ridicules. Ces raisonnements peuvent paraître un brin vains mais ils ont des implications extrêmement profondes... que je laisse macérer à votre goût. Ia ou ia pas ? Il s'agit ici d'une démarche venant en réaction à tous ces débats sur la fameuse "IA". Ce qui me fait sourire c'est qu'on attend d'une machine/algorithme/programme qu'elle reproduise juste des représentations purement humaines pour qu'on puisse décider qu'elle est intelligente. C'est à dire qu'on corrèle reproduction formelle avec intelligence, représentations et intelligence et enfin comble du pompon que la machine se calque sur les critères uniquement humains. L'intelligence humaine n'est ni unique, ni un modèle ultime. Admettons qu'on isole l'intelligence humaine de tout son environnement (dont l'humain est une partie de l'environnement), il apparaît une grande différence d'intelligence entre le mathématicien et le sprinter. Ici dans notre paradigme on opterait pour dire que le mathématicien correspond plus à l'intelligence que le sprinter, ce qui est faux, car chacun est intelligent dans son domaine, et si on persiste à dire que le mathématicien est plus intelligent alors cela implique de faire un classement vertical des domaines de l'existant/existence. Verbe en course à pied Est-ce que les maths sont supérieurs aux déplacements rapides à pied ? La comparaison est absurde. Cependant dans notre paradigme même le sprinter pourrait être tenté de reconnaître que le mathématicien est plus intelligent car notre paradigme corrèle les capacités logico-mathématiques avec l'intelligence. Les capacités verbales aussi sont très prisées dans notre conception ordinaire de l'intelligence. En fait on est dans une phase sociale où encore ces domaines de l'intelligence sont dominants, les mesures de QI par exemple mesurent des instantanés de ces deux domaines en priorité sur toutes les autres formes d'intelligence. À titre personnel j'ai une approche spéciale de ce sujet. Pour moi, les nombres font partie du verbal. Et ce média verbal est extrêmement côté encore. Or le verbal pourrait tout à fait être vu comme une simulation, un espace de simulation. Mais attention ici marcher dans la rue implique aussi des simulations abstraites, donc ce côté simulation n'est pas uniquement relatif au média verbal. Bref, donc on attend pour reconnaître officiellement et par la majorité qu'une machine soit "intelligente" qu'elle soit purement individuelle, qu'elle soit parfaitement isolée en local, qu'elle reproduise des mécanismes représentatifs des critères du paradigme actuel de l'intelligence selon l'humanité, qu'elle fasse la démonstration perceptible par l'humain qu'elle a des capacités et qu'elle les use à but démonstratif. Hum, je pourrais certainement ajouter des critères sur ce qu'on attend mais je trouve que ça fait suffisamment de remises en cause vertigineuses déjà ainsi. Manutention Une belle part de ce qu'on appelle intelligence correspond donc à une manutention mentale/informationnelle. C'est à dire que ce phénomène s'inscrit dans une migration globale de l'existence en état d'information, c'est à dire une existence dépendant moins d'un déterminisme uniquement biologique initial. Certains experts dans l'intelligence, la cognition tout ça disent que l'intelligence provient directement de notre locomotion. Et je suis parfaitement d'accord avec cela, j'en avais fait un article d'ailleurs. Cependant je place dans "intelligence" aussi toute forme d'émotion, que je n'oppose aucunement avec les gros bras des matheux, des verbeux de la scène politique. Alors oui, l'intelligence semble de plus en plus migrer vers de l'information pure, mais cela ne veut pas dire que le physique ne tient plus guère de l'intelligence, et que le purement informationnel concernerait uniquement la gestion d'abstractions "rationnelles". Car aujourd'hui quand on parle d'intelligence on exhibe souvent ces capacités logico-matho-verbales comme des gros muscles dont on est fier mais qui ne servent pas forcément à une application pratique hors identitaire/psy. Et l'erreur commune est de penser que ce qu'on classe dans l'émotion est opposé à l'objectivité ou la rationalité. Je dirais plutôt que l'émotion pourrait être une forme de rationalité qu'on n'a pas réussit à bien intégrer dans notre paradigme formel de la rigueur méthodologique et existentielle. tête à tête sage Enfin, on corrèle intelligence et une sorte de sagesse, c'est à dire une utilisation/application mesurée des capacités. La question est : "mesurée" à partir de quoi, qui, quels critères ? Je vous renvoie à un article sur la sagesse disponible sur ce blog. Et bien sur, on a toujours cet encéphalocentrisme qui corrèle quasi uniquement l'intelligence à un organe isolé. On veut identifier telle zone avec telle capacité, et autre en négation de l'intégrité du corps tout entier, notamment avec les études sur le "deuxième cerveau", en négation aussi de l'interactivité c'est à dire que nous ne sommes pas qu'un cerveau, ni même que les limites de notre corps par la peau, nous avons une identité intégrée à notre environnement et dynamique, composée de personnes, d'objets, de rythmes.
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un peu de sens, svp ! Aujourd'hui on semble voir de plus en plus de choses qui nous paraissent n'avoir aucun sens. Cela aussi bien dans les produits "culturels" dirons-nous tel les clips musicaux de Nicki Minaj par exemple, que dans les "informations" du monde et du voisinage ou proche. Ah pensons aux séries TV aussi comme Dirk Gently ou American Gods par exemple où plusieurs genres se mélangent allégrement. Et dans les "informations" ou les faits du monde humain contemporain on a par exemple les comportements de certains chefs d’États. Bref je vais pas donner une liste, il s'agit juste de pourvoir à une idée de ce qu'est cette tendance. En réaction au sentiment de manque ou absence de sens on peut parfois adopter une posture résignée de néo-nihilisme retro-conservateur, bref quelque chose de cet acabit. On peut parfois aussi adopter une posture opportune de se dire que puisque rien n'a de sens je fais des trucs sans me préoccuper du sens et des répercussions, ce qui est par exemple caractéristique aux rigidités du "travail" de je fais ce qu'on me demande et le reste basta. On peut aussi adopter une posture de créativité enthousiaste sans pareille, et une moultitude d'autres nuances de comportements changeants. Davantage d'informations En fait, comment ça se passe ? On évolue dans un monde humain où tout se démultiplie à galopante allure. On a jamais eu autant d'informations à produire/digérer tous les jours. Et dans cette immensité en expansion forcément on est confronté à des éléments qui a une autre époque n'auraient pas été connues donc on aurait pas eu de réaction (forme de traitement de l'information) à cet égard, pas de quoi comparer avec notre connu qui parce qu'il nous paraît connu nous paraît aussi plus cohérent. En réalité, notre familier est déjà une suite cumulée et compactée de grand mix. Notre corps paraît quelque chose de naturel mais en réalité c'est un organisme multi-hybride. Nous sommes déjà dès la base de notre existence une chimère. Mais attention, chimère n'est pas négatif, c'est au contraire plutôt symbole d'union et de partage, de mise en commun. Donc, face à un assemblage d'informations diverses on a de plus en plus de chances de ne pas trouver de sens immédiat, ni de sens tout court. Cohérent, ça tient la route On a aussi l'impression que tous ces amas d'éléments éparses ne sont pas cohérents. Par exemple au quotidien on boit un café qui a poussé en montagne dans des pays tels l’Éthiopie ou la Bolivie, avec du lait qui vient de Bretagne, des œufs qui viennent des Hauts-de-France. Plus tard dans la matinée on lira un texte écrit il y a 70 ans en Allemagne, puis deux phrases écrites sur une plateforme de micro-bloging depuis l'Inde en langue anglaise, on prendra son vélo dont l'aluminium du cadre et le caoutchouc des pneus proviennent de toute part du monde et acheminées et transformées ailleurs encore, on fera une transaction par un jeu administratif de monnaie passant par des terminaux internationaux, etc. On voit donc qu'au quotidien rares sont les éléments purement locaux, cela nous parait normal dans l'usage tant on ne se préoccupe peu de la provenance et que l'habitude fait la familiarité et donc cette fameuse impression de cohérence. On pourrait alors tout à fait se dire, dans un jugement esthétique que notre quotidien n'a pas de sens, ou n'a plus de sens. Mais comme je viens de l'écrire il s'agit d'un jugement esthétique dont les filtres proviennent de nos capacités de reconnaissances de phénomènes répétitifs. L'accélération des échanges augmente le décalage entre nos perceptions (et capacité de traitement, dont de reconnaissance) et les réalités. Tous à dada, c'est wouf ! Quelque part le libéralisme matériel mondial dépasse toutes les espérances des mouvements dadaïstes et surréalistes, de même que l'affranchissement des États par les grandes firmes par exemple dépasse les espérances de l'anarchisme politique. Il n'y a qu'à voir une brocante ou un magasin de type Action où des objets absurdes se côtoient de façon absurde. Exemple ordinaire de brocante : une pseudo statue d’Égypte antique super moche à côté d'un porte éponge métallique avec des oiseaux, à côté d'un album de Oui-oui, à côté d'un chapeau melon, etc.. Ah oui, donc le dada - petit topo - est un mouvement qui revendiquait l'affranchissement de tout souci de cohérence esthétique, surtout de cohérence dite intellectuelle, ou rationalisée. La posture est radicale, et si je comprends et partage une partie de cette pensée, elle me semble réactionnaire somme toute et donc je vous invite à lire mon article sur la critique du langage verbal par exemple. Dans la continuité, le surréalisme à l'heure du village planétaire est aussi partout, et sans être une posture de protestation ou de revendication de la part d'une minorité. Bien entendu, il y a toujours en parallèle un souci de cohérence esthétique/formelle qui nous amène ou nous ramène à une espèce d'uniformisation ou lissage. Avant de classer toute cette dynamique dans un jugement morale négatif, on peut aussi peindre celle-ci en nécessité d'équilibre pour maintient durable de la structure. Imaginez qu'à l'échelle du corps humain classique, un groupe qui pousse très loin une démarche mystique ou artistique ou financier pourrait être l'équivalent d'un agrandissement subite de la main qui triplerait de taille en une heure. Tandis que quand tout grandit en même temps ou presque cela ne pose pas (forcément) de problème car c'est relatif à la structure, à l'ensemble. Nouvelle donne, wéwé :p En réaction à cet accroissement accélérant, on pourrait se dire qu'on n'a pas besoin de continuer à participer à cette dynamique. Mais ce serait une posture vaine et je jugerais même incohérente envers elle-même :). Mais c'est génial, c'est la créativité même que de croiser des éléments qui n'avaient jusqu'à l'heure pas de lien apparent. Cela se décline en tous les domaines, comme des couples multi-culturels, de la cuisine avec des combinaisons toutes fraiches, toutes nouvelles et ravissantes, des études parfaitement transdisciplinaires, des mélanges d'art de science, etc. Ce qu'il faut retenir c'est que la majorité du WTF d'aujourd'hui sera très vite le classique/normal de demain. Le WTF établit en fait de nouveaux codes, ou remixe des codes pour faire naitre une nouvelle donne. Regardez, même dans un domaine qu'on pense bizarrement souvent comme un peu conservateur telle une bibliothèque il y a des livres vieux de millénaires qui côtoient tranquille des livres contemporains, des livres qui présentent des propos en apparence opposés genre "la vie c'est la guerre" à côté de "la vie c'est la paix" lol mais en vrai c'est ça et ça ne pose pas de problème véritable. De façon aussi très concrète, pour ceux qui "bricolent" aka construisent ou réparent des trucs en tout genre, il y a un décalage entre ce qu'on pense faire, ce qu'on a déjà fait et ce qu'on fait sur le moment car chaque situation est unique et des aléas mineurs ou majeurs peuvent se glisser dans nos plans et prévisions, même quand il s'agit de poncer un plancher ou de changer de poignet de porte. On pourrait alors émettre aussi un jugement esthétique et se dire que c'est pas cohérent ou pas "normal", mais si tout est normal... et anormal en même temps. Remixe tout ça Ah et donc, évidemment, tout ce qui tient à l'idée de pureté formelle dans le sens de persistance et invariance est mise à mal dans cette perspective. On a en effet toujours cette tendance à considérer les formes comme éternelles et acquises alors qu'elles sont une étape, un instantané, une partie d'un mouvement ou dynamique d'ensemble qui dépasse ses extraits un à un. C'est comme de dire qu'un film de 1h32 n'est en fait qu'une image alors qu'il y a 24 images par seconde ou plus ou une continuité. Si on reste sur cet exemple du film, il est intéressant de noter la linéarité du développement de la narration en images et sons. Imaginons qu'on coupe cette linéarité et qu'on place une scène de fin au début, et une scène du milieu à la fin par exemple, on pourrait alors avoir une tout autre émanation de sens à partir des mêmes éléments, simplement la réorganisation change les effets, dont les effets de perception. C'est de souvenir ce qu'avait fait le réalisateur de Spring breakers, Harmony Korine, par exemple. La liberté du remix donc et de l'exploration de nouvelles combinaisons :) !!! Ce qui n'est pas l'occasion de manquer de respect et de produire des choses malhonnêtes, évidemment. Il s'agit juste de faire et tester, expérimenter des choses qui peuvent parfois ne pas être comprises par la majorité voire par personne, pas même nous-mêmes, mais sans que ce soit l'objectif d'être hermétique de tout sens. Le but de toute production reste le partage, et un souci de "cohérence" peut être un passage, une partie nécessaire de tout échange. Respecter les spécificité de chacun, les sensibilités de chacun, sans non plus amputer outre mesure ses créations artistiques car ultimement on ne ferait plus rien si on devait en permanence ménager les patterns-recognition de Bébert et Kitty. Mais encore, sans "produire" il s'agit d'avoir une démarche qui questionne à quel point notre familier est déjà totalement composite et pas si parfaitement unitaire. Notre cerveau par exemple est composé selon notre grille de lecture actuelle de trois phases de développement évolutionnaires : reptilien, mammifère, humain (le néo-cortex). Nos légumes et nos jardins sont composés de plantes issues des quatre coins du mondes qui pourtant se côtoient parfaitement "naturellement" au quotidien. Cela peut s'avérer une démarche qui permet plus de compréhension et donc de respect de toutes les différences de l'existence.
C'est quoi un "self-génératif" ? C’est l’idée que nous sommes plus que les limites de notre corps. Le simple constat que notre mémoire, constituante majeure de ce qu’on appelle « moi », « soi », ou « identité », n’est plus réduit à la boite crânienne. Le tout cerveau ? D’accord, mais la mémoire du smartphone avec nos photos et les fichiers, conversations stockés est tout autant notre mémoire. Et notre mémoire est donc en partie collective, car tout passe par la « connexion ». Je défends ici l’idée que tout peut plus facilement et honnêtement être définit en terme d’interactions. De même nous ne sommes pas que nous, mais aussi nos relations sociales. Une part de nous est dans nos relations qu’on le veuille ou non, et inversement. L’individu n’est pas un isolat, une entité posée à partir de rien, et évoluant dans rien. Toutes les composantes de nos environnements nous constituent et nous modèlent, en permanence. Ne serait-ce qu’en microbiologie, nous voyons que nous sommes constitués d’un microbiome et plus encore nous serions un halobionte car il y a un complexe microbien intérieur et aussi extérieur. Dans le « nous » ou le « moi » il y a donc beaucoup d’entités supposées extérieures qui font en réalité entièrement partie de nous, autant biologiques que technologiques. Le soi technologique La part technologique est en pleine expansion dans nos identités, et ce n’est pas prêt de s’arrêter apriori. Dans le livre Réflexe Virtuel, on a mis en avant le fait que nous allons plonger vers de plus en plus d’environnement virtuel, l’environnement devenant part entière de la communication. Car jusqu’à lors on restreignait le langage aux mots, au verbe, mais nous revenons là-dessus en l’élargissant au langage corporel, situationnel par exemple. Étant donné nos divers comptes sur applis nous élargissons sans cesse nos identités. Tout ceci aboutit à ce que notre « identité » s’auto-génère. D’où l’expression self-génératif. Car il y a des effets d’emballements quasi-autonomes en ces supports virtuels. On se sent vite obligé de consulter régulièrement ceci et cela, d’ajouter tel contenu, de commenter, d’interagir. Les algorithmes nous modulent aussi tout en se modelant aussi eux-mêmes en retour et en parallèle. inconscient Pour le parallèle, l’inconscient est aussi devenu ces datas qui nous échappent, ces processus automatiques des algorithmes codés par autrui. La frontière qu’on s’imagine nette et précise d’un individu vole en éclat aussi bien biologiquement que technologiquement. Le problème central de ces conceptions ordinaires erronées est que nous pensons en terme d’élément ou produit finit. Nous sommes, dans un mouvement, voire un mouv tout court. D'ailleurs explorons un peu l'inconscient rapport à ce concept de self-génératif. Vous pouvez trouver quelques éléments de réflexion à ce sujet déjà dans un paragraphe de l'article Triméta. Il n'y a donc pas UN inconscient, tout est ramifié et aucunement unitaire. Ensuite, on se figure de façon territoriale qu'il y a un territoire inconscient. Non, les inconscients ne sont pas des territoires, ni à explorer, ni à conquérir. On a certainement en tête l'image de l'iceberg. Cette image est pratique dans un premier temps pour faire comprendre que la conscience est minime ni seule. Mais cette image devient vite embarrassante ensuite, car elle donne l'idée de proportion et donc de mesure de l'inconscience, ce qui est stupide. Sonder l'inconscient est une idée stupide. L'inconscient c'est - pour une analogie mécaniste - un processus automatique. Quelque part c'est un travail dont on n'a pas à s'occuper consciemment, ce qui est donc davantage réjouissant qu'angoissant. Bref, revenons au self-génératif. Ah, encore un truc, on se figure, du fait que nous avons deux mots distincts que ce qui est appelé conscience et inconscient sont deux états très distincts. En réalité, il y a une continuité, c'est pas comme si la glace se transformait soudainement entièrement en nuage, pour reprendre l'analogie de l'iceberg. Il n'y a pas une frontière nette et précise. Et ce n'est pas parce que je fais des choses en étant éveillé que je fais ces choses vraiment en conscience. On peut tout à fait être inconscient debout, en plein jour, et en faisant mille choses à toute berzingue. Schéma sommaire pour illustrer. La grande bulle de l'inconscient à gauche. La surface de l'attention au centre. La bulle de la conscience à droite. Les boucles et fils intérieurs passent d'une bulle à l'autre et s’entremêlent, mettant en avant la continuité du phénomène. En vrai il s'agirait plus d'une grosse bulle avec l'attention qui sépare partiellement et offre alors une possibilité de transformation. Le schéma est figé mais en réalité les bulles varient de taille et de volume en permanence. Cependant il me semble intéressant de poser brièvement cette représentation ici. Sentir l'identité par privation La définition du soi apparait beaucoup plus souple et éparse qu'on se le figure sur une base habituelle. Par exemple, moi qui suis jardinier, je suis très attaché au bout de terre dont je m'occupe. Je ne suis pas que mon corps, je suis chaque plante, chaque parcelle de terre de ce jardin, et détruire ce jardin ne détruirait pas mon corps et mon intégrité certes, mais je serais vraiment comme amputé sévèrement. Vous savez c'est aussi les proches qui sont frappés par la mort, on peut se sentir vidé. Ou alors c'est si vous aviez construit quelque chose pendant longtemps avec énormément d'efforts et que tout est subitement détruit. Je pense notamment à ces écrits qui par une mauvaise manip ou un bug se sont volatilisés. Mais ça peut être une collection de photos, un vêtement, une maison, un travail, etc. J'ai déjà fait des jeûnes alimentaires (légers hein) et on se sent coupé au début, bordel c'est bon de manger. Et j'ai ressentis des émotions similaires en étant coupé des outils technologiques, à la connexion, aux informations s'y diffusant. Se faire voler son portable n'est pas qu'une question de perdre autant de monnaie, mais aussi un pan entier de son identité passé et de la possibilité de continuer à créer de cette forme d'identité. Quand on expulse une personne de chez elle, ce n'est pas qu'une personne définie par un corps et un vague concept de personne physique/morale, c'est tout un pan qu'on arrache, parfois définitivement. Modulable ? Si on continue l'analogie de l'iceberg, les processus fabriquant et stockant l'identité en sa composante numérique est un nouvel état de glace, peut être une glace émergée qu'on immerge délibérément, ou alors on agrandit la base immergée pour agrandir la partie émergée (Olala voyez qu'une analogie est pertinente sur une courte séquence et dès qu'on veut continuer plus loin sur cette analogie on rend la chose plus confuse qu'auparavant). Il en résulte que ces processus dont on s'occupe consciemment mais qu'on va de plus en plus déléguer aux fameux "algorithmes" peuvent nous donner des possibilités monstres. Tantôt on pourra rétrécir sa conscience en actionnant plus de processus automatiques qui s'auto-génèrent, mais aussi tantôt augmenter sa conscience à d'autres endroits, se redéfinir sur une tache précise, sur un pan de l'exploration spirituelle/existentielle. Il y a donc le péril de ne pas contrôler une part toujours plus importante de ses inconscients, donc plus loin de son conscient, d'être à la merci de malhonnêtetés, d'exploitations sournoises et politiques. Mais il y aussi la chance inouïe de pouvoir se concentrer sur des choses plus proches de nous, de nos réels intérêts existentiels. On peut donc à la fois s'en inquiéter et s'en réjouir, si on souhaite réfléchir aux conséquences de ce phénomène. Vers une pré-méta-cognition Si on peut choisir ses humeurs, ses capacités, ses souvenirs, ses connaissances, alors notre soi, notre acte d’existence se situe dans la gestion de ces choix. Ainsi, nous ne sommes plus dans l’action puis cognition rétrospective de cette action. Nous serons davantage dans la précognition, ce qui se traduit dans la prédiction, ou alors l’anticipation, ou la prospective. Mais, cet état est tributaire du mode action => récompense. Et la récompense peut être trop prenante, comme une souffrance d’ailleurs, et l’oubli survient. Ce qui retarde la revenue de la précognition suivante. A ce stade, le plus gros de notre travail consiste à se défaire des effets de la récompense. On confond usuellement notre identité, notre individualité avec ces effets de récompense en chaine. Dans cet état, il nous devient difficile d’appréhender une autre conception de l’identité et de l’individualité. La métacognition est grossièrement savoir ce qui est vrai et faux, bon ou mauvais même en faisant en acte autrement. Il y a dissociation, ou non association (totale ou partielle) entre l’acte et la métacognition, sur une base habituelle. Au plus on continu l’exercice de la précognition, sous un max de formes différentes, des plus rationnelles aux plus farfelues, puis au plus nous précisons nos moyens de choix de soi (humeurs, capacités, etc.) au plus nous nous dirigeons vers l’apparition d’une pré-métacognition où l’acte et la métacognition de cet acte correspondent (du moins, un peu plus). Que sont ces moyens de choix de soi ? Des raisonnements, des expositions aux émotions variées et prenantes (jusqu’à ruptures fréquentes), des améliorations physiques, des altérations par produits (supplémentation), par exemple. Cette pré-métacognition peut, de notre point de vu actuel ordinaire, passer paradoxalement pour une dissociation car à implication spontanée fortement diminuée par rapport à la norme. Bref. L'état d'information Pour moi, aujourd'hui, l'information n'est pas seulement une qualité qu'on met en avant, mais aussi une qualité qu'on expose donc agite, donc transforme. C'est donc un ajout. Le mot "information" peut d'ailleurs éclairer à ce sujet : in-formation. Qui peut vouloir dire en formation, ou dans la formation, ou en train de se former. Cela peut donc parfaitement désigner un processus actif (et en cours) de trans-formation. Notre identité se faisait beaucoup auparavant par l'environnement, donc les arbres, les minéraux, les animaux, les phénomènes météorologiques, etc. Puis on a eu un vaste ensemble d'objets et de constructions qui sont devenus nous en retour, par rétro-action. On a eu aussi des identités plus abstraites (rapport à la matière) : mythologies, chamanismes, etc. Et maintenant on a des identités qui sont de plus en plus à l'état informationnel. Alors les termes de "dématérialisation" sont souvent excessifs pour ne pas dire du grand n'importe quoi, mais il y a des mutations importantes en cours, du jamais vu. L'information n'est pas qu'une simple et bête simulation de l'esprit sur le réel matériel. C'est - attention retour à l'analogie - un nouveau territoire qui occupe du vide mais aussi chevauche le réel, le traverse et le modifie partiellement. On est donc nous même en train de muter partiellement dans un état d'information. Il est donc logique que nos identités mutent en ce sens elles aussi. Quels impacts, concrètement ? Concrètement, les interactions physiques directes vont changer radicalement et on le voit déjà aujourd'hui ce phénomène. La sociabilité, qui est une forme de communication établie récemment essentiellement sous forme verbale orale, va donc a priori en pâtir dans un premier temps, et possiblement à jamais. Je ne dirais pas qu'on ne sera plus du tout "social", juste que les modes de sociabilité seront tout a fait différents, sous d'autres formes que les conventions actuelles. Donc, comme toute mutation, on va focaliser sur ce qu'on pense perdre alors qu'on gagne énormément. On va pouvoir se réinventer fortement aussi, tant individuellement que collectivement. On le voit avec les identités sexuelles et de genre actuellement, mais aussi dans les "reconversions" professionnelles qui se multiplient jusqu'à dissoudre la convention de spécialisation au travail, et plus loin aussi la hiérarchie verticale stricte. Il est possible aussi que de plus en plus de gens passent le plus clair de leur temps à dialoguer avec leurs propres identités, comme je le fais avec mon blog par exemple, en proposant des liens entre articles, mais aussi en les modifiant/actualisant du mieux que je peux. Avec ce self-génératif, on va avoir de l'information "sur-mesure" (ce qui ne veut pas dire forcément tout comme on se l'imagine ou le voudrait), et donc on aura son propre univers, ses propres mythologies devenues plus interactives et rétroactives que l'inconscient à l'état de processus matériel biologique. On va naviguer dans son soi. Ce n'est pas à prendre pour un repli ou un déclin, je dirais même le contraire, sans non plus être béa et niais, car mon but n'est pas de vendre quoi que ce soit, mais simplement comme le dit le nom de ce blog : explorer et anticiper. Comment voyez-vous ça ?
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