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La terre, Gaïa gaga

9/8/2019

 

Manger le territoire

 Oui, si il y avait moins d'humains, il est possible que nous ayons alors plus de place pour chacun. Cette situation est hypothétique, imaginaire. Qui pour décider qui devrait mourir ou se stériliser afin d'obéir à cette hypothèse fantastique ? En mode grand méchant diabolique qui veut conquérir/anéantir le monde. Ce qu'il faut comprendre est que nous ne sommes pas limités à notre corps, nous avons besoin d'habitation, habitations qui prennent du sol et des ressources pour faire et entretenir, nous avons besoin de nous déplacer ce qui nécessite des ressources aussi, nous avons besoin de manger ce qui équivaut à manger du territoire. On dit saveurs du terroir, mais ce n'est pas que "du" terroir, c'est le terroir lui-même. Et la base du terroir est le sol. Le sol, c'est-à-dire différents traits physico-chimiques spécifiques ainsi que la vie microbienne. Car la vie est statistiquement et historiquement microbienne (cf Lynn Margulis). Ce que je veux faire passer par cet article est l'idée de DYNAMIQUE, et qu'il faut dépasser cette vision extrêmement réductionniste de type mécanique comptable de l'environnement. On a vu une poussée fiévreuse de prise de conscience que l'animal puisse être un être vivant à part entière. Mais c'est le cas de tout le vivant, les plantes aussi donc, celles que l'on cultive pour l'esthétique (jardin, jardinières, fleuristes), mais celles aussi que l'on mange (agriculture, potager). Cela est encore la partie la plus visible pour nous, mais tout le vivant, chaque forme du vivant a sa propre raison d'être, sa propre volonté, sa propre spécificité. On parle d'éthique animale, mais c'est de "l'éthique" du vivant globalement dont on devrait parler. Je sais bien que c'est plus facile de faire attention et même de comprendre ce qui nous ressemble le plus, en priorité, mais ce n'est pas honnête.

Le zapping de l'urgence

Aujourd'hui, on est dans une fétichisation de Gaïa, mantra "sauver la planète" sans s'avouer qu'on veut se sauver surtout soi souvent, tout en étant en simultané totalement misanthrope (manger, se déplacer et transmettre la vie sont presque des crimes). On ne peut absolument rien dire contre cet écolog-ISME. Car comme on ne peut pas dire être pour la souffrance animale, on ne peut pas dire être pour la pollution, pour la destruction d'écosystèmes. Ce qui nous met dans une posture figée, idéale pour les non-sens et la propagande. On invoque la planète, la biodiversité, l'écologie, les ours polaires, les cochons, les coquelicots, etc. On confond un peu tout, aisément, qu'importe. Sentiment d'urgence. Sentiment, que dis-je, réflexe d'urgence, on n'est pas dans le sentiment, on est dans la panique. L'urgence qui zappe tout fondement. Par exemple, est-ce que la biodiversité est à encourager quand elle nous est grande menace, comme un virus mortel, ou un parasite violent. Oui, le sida c'est la biodiversité, la peste porcine aussi, ainsi que le mildiou. Nous avons un besoin urgent de nous poser, même si il y a urgence, il faut poser plutôt que de choisir des "options" qui empireraient l'état en voulant l'améliorer. Ici, évidemment je n'apporte aucune "solution", je ne peux que proposer un mélange de mes observations personnelles via la nature et les expériences directes au jardin, ainsi que mes lectures et mes réflexions. J'estime que l'écologie est aussi l'écologie mentale, ou culturelle, et que donc j'ai par là aussi ma participation à affirmer, bien qu'insignifiante dans l'ensemble.

clés du sol

On semble de plus en plus d'accord, un peu partout, que le sol est le plus important (en gros) de notre monde. C'est sur lui que repose toute agriculture. Et sans agriculture, l'humain a pu vivre des millénaires, mais il ne le peut plus dorénavant. L'agriculture semble avoir été un point pivot, surtout un point de non-retour. C'est d'ailleurs pour éviter de reformer un nouveau point de non-retour qu'il convient d'être suspicieux envers les entreprises qui fabriquent et vendent des phytosanitaires et des OGMs. Pas pour dire qu'en eux-mêmes ces choses sont mauvaises, ça c'est une autre question, presque secondaire (enfin, pas tant que ça). Mais pour dire que l'utilisation généralisée, uniforme, systématique de ces nouvelles méthodes/produits change tout le système. Ce n'est plus de l'agriculture, ça devient autre chose, de plus technique, à une autre échelle. La souveraineté en prend un coup. Ce qui en soi est un changement d'environnement de type social, économique, politique, culturel, et même spirituel si on veut. Il est intéressant de prendre en compte un nombre très large de critères/niveaux/plans et pas seulement axer sur un critère principal. Car on paye d'une façon ou d'une autre. Exemple des plateformes qui proposent des services gratuits en monnaie mais qui nous font payer cela autrement, notamment en souveraineté. C'est la même dynamique qui peut venir via ces entreprises mondiales et mondialisantes de dits "phytosanitaires" et du dit "génie génétique". Je comprends bien que des agriculteurs défendent un produit désherbant devenu très médiatique, car c'est la pratique qui parle, et peut-être qu'en effet il n'y a pas de dommage réel à imputer à ce produit, mais c'est là une question secondaire presque, encore une fois. On accepte tous différents niveaux d'asservissement au quotidien, pas la peine d'en rajouter forcément. Faire attention aux effets pervers qui changent le système entier tout en donnant l'impression de donner un simple avantage local.

Immense variété, nuance

Donc, le sol. C'est bien de tomber à peu près d'accord sur la toute prééminence du sol. Encore faut-il savoir ce que c'est. En tant que jardinier amateur, je constate que le sol peut être très différent d'un mètre à un autre. Et encore plus de mon jardin à celui du voisin seulement séparé d'un muret de parpaing. C'est à dire qu'il y a une simple séparation de 15 cm de large qui abouti à un sol très différent, et même à un micro-climat différent. Et il y a des sortes de séparations "invisibles" qui font qu'ici tout est florissant et là les végétaux poussent peu, difficilement. Alors imaginez un peu la vaste variété de sol/situation que ça peut représenter à l'échelle d'une région, puis d'un pays, puis d'un continent et du monde. Ce simple constat devrait aussi nous inciter à diversifier les espèces (animales, végétales, fongiques, etc.), et nous inciter donc à essayer de garder et conquérir toujours plus de souveraineté. Non pas pour l'autarcie évidemment, mais pour une cohérence locale, et éviter de tout miser sur une seule espèce qui peut (et va finir par) s'effondrer. L'idée de local et de souveraineté ne sont aucunement des principes woowoo de bobo, c'est de l'analyse de risque basique de chez basique. Donc, le sol, qu'est-ce que c'est ? On voit que ce n'est pas juste un support, c'est une entité vivante, très complexe, très variable, et en même temps fragile. Le sol c'est aussi la latitude, l'hygrométrie, une histoire accumulée emmêlée de tous les êtres qui sont passés là, ont vécus, on mangé, sont morts, et même des conditions de géologie de milliards d'années. Chaque facteur s'ajoute et se mêle aux autres, façonnant chaque cm3 de ce qu'on appelle très grossièrement le "sol" . Ce n'est pas de la romance, c'est de la pure réalité. La plante ne fait pas que de se poser et pomper des éléments du sol, elle façonne le sol elle aussi. Songeons à la diversité des racines, chacune pouvant amener, favoriser ou repousser tels micro-organismes (mycètes, bactérie, etc.). Chaque insecte et petit animal du sol façonne le sol aussi. Pour nous, le sol reste un truc uniforme, c'est de la terre quoi. Mais il y a quantité de cohérences et frontières visibles et invisibles dans chaque parcelle.

l'Écotone dans tous ses états

Écotone. Voilà un concept intéressant. Il s'agit de zone de rupture, ou de changement de topologie. L'écotone le plus basique pour nous urbains est la bordure de gazon où généralement beaucoup de choses peuvent circuler et pousser rapidement. On peut généraliser ce concept. On voit que plutôt que d'avoir un terrain uniforme sur des hectares, des fragmentations par des haies, des arbres, des fossés peuvent grandement "améliorer" la biodiversité locale. Il en est pareil à tous les niveaux. Dans le sol, les racines peuvent former des frontières, comme le peuvent des rochers, des microbes, etc. A la surface, il y a différent niveau de hauteur des végétaux et différents animaux agissants tous différemment sur le sol. La surface peut comprendre du relief, ce qui augmente l'écotone. Surface, hauteur, profondeur, diversité. Vous voyez déjà le niveau de complexité ici, alors imaginez que tout cela n'est pas statique, mais dynamique ! Les frontières bougent, bien que des niveaux de "cohérences" puissent se conserver dans le temps. Notion importante que si la vie et l'environnement ne sont pas à conserver, mais à maintenir, encourager, ou au moins ne pas nuire, ou nuire le moins possible, il existe bel et bien l'existence d'une espèce d'entité d'ensemble que j'appelle "cohérence". Un sol de jardin développe avec le temps une dynamique propre qui en fait une entité spécifique, même si elle n'est pas aussi identifiable qu'une entité comme un chêne ou un buffle (qui eux en tant qu'individus sont bien délimités en apparence). Cela est un constat, n'en faisons pas une sacralisation pour autant. Mais il nous faut reconnaitre que chaque parcelle peut être comme une entité à part entière et pas juste un support malléable. Il y a une "intégrité", si on veut un mot différent de "cohérence". De là, oui, on aurait tendance à vouloir ne plus toucher du tout à quoi que ce soit. Ce serait une erreur.

Ouvrir le milieu

L'importance du stress et des effets de rupture. Un exemple simple est la différence entre une herbe coupée avec une tondeuse et une herbe arrachée par des coups de dents de ruminants. Une herbe coupée repoussera plus lentement, et fera probablement pas autant de racines et surtout pas aussi profond qu'une herbe arrachée. Une herbe coupée a un stress partiel du surface surtout, de sa partie aérienne, tandis qu'une herbe arrachée sera stressée jusque dans ses racines car c'est comme si elle allait être déracinée chaque fois, elle réagit donc en conséquence en allant s'enraciner profondément. Cet exemple est très représentatif/symbolique. On a déjà vu cette histoire où des gens avaient mis en place un éco-système sous serre, isolé du reste. Des arbres ont fini par mourir sans raison apparente. Isolation et coupure des conditions adaptatives, il n'y a quasiment plus aucun stimuli conséquent à portée, ni, pour anthropomorphiser, de raisons de vivre. Le vent fournit des "informations" pourrait-on dire, et pousse les arbres à s'adapter, aller plus profond ici, renforcer son flanc droit, ne pas pousser trop haut là, etc. Dans la même veine, si on laisse une forêt prendre, il y a un risque de fermeture du milieu. Trop de densité. Trop d'ombre. Donc plus de place et de conditions pour d'autres espèces végétales entre autres. Une intervention humaine pertinente (cf. Allan Savory) est d'éviter qu'un milieu ne se ferme (trop), et donc ouvrir le milieu, autrement dit, on en revient à l'écotone, zone de séparation qui favorise la circulation des espèces différentes. Bien entendu, si on ouvre totalement le milieu, à labourer de façon uniforme sur 40cm de profondeur par exemple, à raser toute une forêt. L'ouverture totale n'est plus pertinente du tout. L'ensemble du vivant semble avoir besoin de certaines formes de stress pour vivre. Rejoignant l'idée d'hormèse. Quelle dose ?

vie = Accumulation locale

Maintenant, un autre angle, qu'on a déjà un peu abordé au-dessus. Prenons un terrain précis, un jardin entre quatre murs pour bien délimiter. Ce jardin est d'une certaine façon un système fermé. Mais il n'est fermé qu'à la surface, pas en hauteur, ni en profondeur. En fait, aucune frontière ("artificielle") ne circonscrit vraiment aucun terrain. Il n'y a pas d'éco-système vraiment fermé. Il ne peut qu'être fermé partiellement, ici et là. Vous allez me dire, ok, mais ça rime à quoi de dire ça ? Et bien, cela peut amener l'idée de "coopération" à travers des frontières, ou au moins une non-inhibition d'une coopération ponctuelle, mais surtout l'idée qu'il n'y a pas d'équilibre dans la nature. Disons que sur tel et tel critère il peut y avoir un semblant de maintient, de cohérence locale, comme un système immunitaire, un état spécifique forgé sur la longue, par tous les éléments qui vont, viennent, transitent, naissent et meurent sur place, et bien évidemment, le temps. Chaque élément est un potentiel pour convertir des éléments en d'autres (herbes pour les vaches, minéraux des roches pour les légumes) et ainsi concentrer des éléments "réutilisables" encore. On pourrait presque dire que la vie est un phénomène d'accumulation locale. Quand on concentre l'ensemble des épluchures et des feuilles mortes des arbres on obtient une sorte de sol accéléré et concentré. De manière naturelle, la répartition de ces éléments "déchets/rejets" se fait de manière beaucoup plus éparse en général. D'ailleurs, certains disent que composter c'est polluer, ce qui est vrai d'une certaine façon, car ces fermentations produisent de la chaleur et des gaz (à effet de serre), justement par concentration. Mais l'idée ici est qu'on a besoin de concentrer un certains nombres d'éléments "utilisables" en local. Le sol est souvent une vielle entité. Cela rappel l'idée de célérité que j'avais développé dans un autre article ici. Les "mauvaises" herbes fournissent de la matière pouvant former le sol, le transformer, l'améliorer, le constituer. Une accumulation spontanée qui si gênante de manière ponctuelle peut s'avérer bénéfique globalement sur la longue.

L'arbre, le stock et les biotopes

De plus en plus de gens parlent de planter des arbres... pour "sauver la planète" évidemment. Planter des arbres partout. Le plus grand nombre possible. Évidemment, on ne peut pas vraiment dire que planter des arbres c'est mal. Mais toute cette idée-obsession part du principe que la forêt est le summum de la vie terrestre, alors qu'il y a différents types de forêt, différentes densités, et surtout qu'il existe des biotopes très différents toute ayant une "valeur", ou un intérêt pour la biodiversité, ou de manière plus générale, la diversité au sens large. La forêt comporte des problèmes inhérent aussi, le risque que le milieu se ferme, d'incendie, et autres. On parle de "stocker" du carbone. Ce qui est déjà mal partir. Réduire la planète au CO2... Puis réduire cela à un procédé comptable de stock. Pour l'image, ok, c'est facile à comprendre de la sorte, mais attention au piège de la métaphore. Donc, oui, on va dire que les arbres stockent du C02. Si un arbre qui pousse stocke du CO2, le CO2 est aussi stocké de manière assez pérenne avec du plancher, des structures de bâtiments en bois, des meubles, etc. On en vient à la dynamique où pour avoir plus de forêts il faut utiliser plus de bois au quotidien. Pas en le brulant, évidemment. Cela nous fait revenir sur la notion d'éthique appliquée au végétal (au grand végétal). Couper, donc tuer des arbres, permet d'en planter plus sur le long terme si on utilise cette ressource, en souhaitant la renouveler. Par exemple, l'Amazonie, dont on parle tant, est coupée à toute allure. Pourquoi ? On a la ressource du bois, plus un sol exploitable autrement par l'agriculture qui nécessite pour un temps peut-être moins d'intrant extérieur vu la vie accumulée localement depuis longtemps. C'est presque un double bénéfice direct. Les forêts donc, peuvent stocker du CO2, mais cette accumulation est-elle solide ? Si toute une forêt qui a mis 70 ou 100 ans a pousser part en deux jours en fumée, ce stock n'est plus stock.

Des sapins et des prairies

Le sol de prairie pâturée est un biotope en général plus riche en biodiversité, avec un sol plus profond, et stocke lui aussi beaucoup de C02. Bien sur, il y a le biais que cette profondeur de sol n'est pas visible directement, comme n'est pas visible directement la biodiversité des petits animaux, insectes. Voir des macro-organismes comme des arbres et des sangliers donnera une idée de biodiversité bien visible, mais qui peut s'avérer en réalité moindre en général. La profondeur du sol est importante, comme on l'a vu avec l'idée d'écotone.

D'ailleurs, j'aurais des idées toutes bêtes pour stocker du bois de manière qui a priori me semble pertinente. Enfoncer des troncs dans le sol et les utiliser dans les milieux sableux et maritime aussi (ça s'est fait pour stabiliser le sol d'Amsterdam par exemple). On pense au bois "flotté" qui a certainement ses intérêts écologiques, comme on le vois avec les barrages de castors qui peuvent filtrer l'eau en partie, sans compter le rôle des mycètes avec le bois. Bref, des idées comme ça, déclinables et adaptables. Je sais qu'on utilise des sapins de noël pour diminuer l'érosion côtière à certains endroits. On peut développer cette veine à mon avis. Pour revenir au sol, le sol de prairie est peu sujet à la fragilité aérienne des arbres. D'ailleurs sans compter les diverses menaces biologiques pouvant frapper la forêt. Un sol stockant notamment du carbone est en comparaison peu sujet aux incendies et aux ravageurs, a priori. De là à dire qu'il faudrait mettre des prairies partout, non. Mais on a beaucoup de marges pour ce biotope, car d'ailleurs il y a eu beaucoup de déprise des pâturages ces dernières décennies.

Un élément simple aussi est que la verticalité a tendance à accumuler de l'humidité. On peut observer au pied des poteaux souvent plus de mousse, lichen et autres. Cela indique probablement que la hauteur récolte naturellement de l'eau aérienne, et même concentre l'eau de pluie par ruissellement. On peut imaginer des poteaux de bois dans des cultures. D'ailleurs les hautes herbes restant à l'automne et parfois même l'hiver font office de concentration de l'eau.

Topo :

Les idées que je voudrais faire imprimer dans les têtes ici sont :
  • le sol est extrêmement important,
  • il est dynamique
  • comporte des frontières qui nous sont invisibles
  • chaque parcelle et biotope est une comme une entité en soi, avec comme un système immunitaire propre à chacun.
  • il faut ouvrir le milieu, et créer des stress ponctuels ciblés



Augmenter les écotones (reliefs, profondeurs, hauteurs, qualité, etc.) semble une voie très prometteuse, ce qui implique une intervention ponctuée/intelligente/mesurée de l'humain justement, et pas un "laisser-faire" total (ou "ré-ensauvagement").
Célérité
éthique du vivant
Localisme
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Imagination

1/8/2019

 

Tu t'es vu quand t'as vu ?

Émile et Image. Je vous parlais du rôle étrange des références culturelles (ici). Illustration parfaite avec ce nom de groupe un tantinet ridicule, qui ne sert à rien, mais qui m'est venu en réfléchissant à une introduction à ce poste. Passons.

Imagination. Image. Image renvoyant à quelque chose de visuel. Importance de la vue, de la vision. On dit par exemple avoir une vision de pour désigner le fait d'avoir un fil conducteur, une stratégie d'ensemble, et aussi de percevoir ou recevoir des idées/images comme un prophète ou comme quand on hallucine. "Je vois ce que tu veux dire" : derrière l'idée de voir, il y a l'idée de comprendre aussi. Voir, ou comprendre, comprendre au delà. Voir loin. Il semble y avoir toujours cette corrélation entre une anticipation, une stratégie long terme, et la vue, donc l'image. Mais l'image semble avoir un statut particulier. C'est une vision, mais une vision pas de l’œil seulement, une vision de l'esprit. Par exemple, en rêvant nous ne voyons rien (d'extérieur) avec nos yeux, mais nous voyons pourtant pleins de formes, couleurs, etc. Pensons également aux hallucinations qui peuvent être induites par des produits spécifiques (champignon, ayahuasca, etc.). Quand nous regardons des photos, vidéos et autres sur écran, nous sommes face à des reconstitutions, c'est à dire que nous ne percevons pas les choses directement, mais l'image (un reflet ?) des choses. Ces images ne sont pas fausses, elles ne sont pas des illusions, elles sont des reconstitutions et plus loin des choses elles-mêmes. Vous vous dites peut-être que ces distinctions prennent la tête pour rien. Attendez la suite, c'est un point important.

La caramba des combos

L'imagination. Dans une conception courante, on se figure souvent que l'imagination concerne le fait de créer des choses qui n'existent pas. Les contes, les mythes, le fantastique, la science-fiction, par exemple, ou des projections de soi étant riche ou populaire ou vivant dans un endroit de ses rêves, etc. On tend donc à l'associer à ce qui n'existe pas, à l'irréel, mais aussi à la folie, à l'enfance et au mensonge. J'imagine que je vole, mais ça ne se passe que dans ma tête, mentalement, pas directement dans le manifesté. J'imagine que je suis président de la Terre, ou j'hallucine des étoiles sur mon corps et alors je suis fou.  J'imagine des scénarios, des histoires avec des jouets et alors je suis un enfant dans son terrain de jeu. J'imagine que je suis le plus beau, le plus intelligent et alors je me mens à moi-même. A priori donc, un ensemble divers d'associations ne semblent pas faire faveur à l'imagination.

Plusieurs points à relever. On se figure que l'imagination n'est pas réelle, ou en dehors du réel. Ce qui impliquerait une étrange conception où l'imagination serait avoir accès à un autre monde, un autre univers. Non, l'imagination, ce qu'on "invente" n'est pas en dehors du réel. Un rêve fait entièrement partie du réel, il est peut-être éloigné du réel manifeste, dans le sens le plus matériel possible. Mais tout ce qui se passe dans la tête n'est pas en dehors du réel, il en fait partie, entièrement. Il est possible néanmoins que l'imagination soit une perception au même titre que l'oreille reçoit des vibrations et traduit cela en sons audibles et "traitables". L'imagination consiste souvent à déplacer des éléments, créer de "nouvelles" (ou simplement différentes) combinaisons. Exemple, on prend un éléphant, on le place sur un toit de maison, on lui met des chaussures à paillettes aux pattes et on obtient quelque chose qu'on dirait imaginatif. Oui, on utilise aussi souvent le mot imagination pour dire - au moins de façon implicite - qu'on a affaire à quelque chose d'original, de jamais vu. Cet éléphant à chaussure sur un toit n'existe pas dans le réel, mais on peut parfaitement avoir l'image dans notre tête. Cette image n'est pas en dehors du réel, elle est dans notre tête, grâce à un procédé de transmission verbale entre autre. Et notre tête n'est pas en dehors du réel a priori. J'insiste sur ce point, car il faut mettre les choses dans l'ordre. On associe aussi l'imagination à la création, ou créativité. Je risque de tempérer un peu la magie mais je répète que la créativité ne consiste souvent qu'à déplacer des éléments, proposer des combos différents, parfois spécifiques. Bien sûr il ne suffit pas de déplacer n'importe comment ces éléments, pour faire... n'importe quoi. Non, il y a toujours des nouvelles étincelles à chaque nouveau combo, et parfois un combo magique qui émeut, transcende, démontre, etc.

coup de projo

Le concept d'imagination est mal interprété à cause de plusieurs distinctions ou absence de distinctions. Il faut (un peu) distinguer le réel manifeste du réel mental ou technologique. Mais il ne faut pas distinguer strictement corps et esprit, ni conscient et inconscient. Car corps et esprit sont des couches d'une même entité. Pareil pour le conscient et l'inconscient. De la même façon que l'imagination n'est pas en dehors du réel, l'esprit n'est pas en dehors du corps, et l'inconscient n'est pas en dehors du conscient. Il faut comprendre cet ordre des choses. C'est complexe, complexe dans le sens de "tissé ensemble". Comme on peut le voir avec notre biologie, composée en même temps de cellules, de gènes, d'organes, de fluides, de solides, d'hormones, d'électricité, d'atomes, etc. Décrire l'imagination comme une sorte de perception permet dès lors d'échapper un tant soit peu à ces travers. Cette imagination a pu être une caractéristique qui a évolué dans les perceptions culturelles/ sociales. Peut-être qu'une certaine forme d'imagination est une perception rare et alors on appelle une personne spéciale de prophète, ou de visionnaire. Encore une fois on essai de faire des distinctions, comme si être créatif serait faire preuve d'imagination mais que cultiver un terrain ou vendre des vêtements, des produits bancaires seraient des activités en dehors de toute projection, toute imagination. Ce sont des activités différentes certes, mais dire qu'une activité nécessite zéro imagination est faux. Il n'y a pas que dans le domaine de l'art, de la production artistique qu'on requiert l'imagination, mais dans tous les domaines de l'existence. Évidemment il y a des degrés qui divergent. Inventer Harry Potter (tient une autre référence culturelle dont je ne sais que faire) nécessite plus l'imagination que de planter un chou. Bien qu'il faille se projeter de diverses façons avant et pendant et après avoir planté le chou. Des activités très matérielles nécessitent toujours différentes projections entre-mêlées. La différence réside peut-être dans la proximité entre la projection/imagination et le réel manifeste.

La menace de L'ourson magique

Maintenant, oui, l'imagination, on peut s'y perdre. Rester dans des projections mentales, dans des mensonges, dans une sorte de réalité parallèle mentale. On retrouve souvent des mises en garde dans d'anciens textes fondamentaux, dont la Bible, et dans une "sagesse populaire" du rejet viscéral ponctuel de certaines formes et degrés d'imagination. Vous savez quand une personne est face à une œuvre d'art qu'elle trouve bizarre, elle va sourire en disant en elle-même "c'est chelou, l'artiste doit être un peu fou". Avoir peur de l'imagination me paraît stupide, mais je suis d'accord qu'il puisse y avoir un effet d'entrainement qui peut annoncer une perdition. Ne plus avoir les pieds sur terre comme on dit. Rester coincé dans une distorsion mentale qui nous est destructeur pour nous-mêmes et autrui. Et, en effet, nous avons tellement affaire à plein d'imagination de toute part aujourd'hui qu'il est très facile de se perdre, de s'accrocher à une narration mentale ou identitaire, d'imaginer une gloire passée ou à venir de soi ou d'une nation ou d'un peuple. Raison de plus d'être vigilant, toujours plus vigilant aujourd'hui. Oui, les avertissements contre l'imagination sont dans le vrai. Car nous sommes, par le verbal, mais aussi par les technologies, dans une surabondance de références culturelles, dont chacune peut nous emmener, nous emporter, parfois en surface ça nous plait et nous fait rire, mais dans les profondeurs elles impriment en nous des schémas, des narrations, des images qui nous nuisent. Il faut qu'on ait un niveau de vigilance à l'égard du culturel imaginatif égal ou supérieur à la vigilance qu'avaient nos ancêtres pour chasser ou s'échapper d'une menace bien physique, un ours disons ou un troupeau de buffle.

L'échelle du possible

L'imagination vient manifester, sous forme d'art, de projections commerciales, nationales, idéologiques divers des éléments qui ne sont pas encore manifestes. Il s'agit comme d'un programme d'implémentation dans le réel manifeste d'un ensemble d'idées ou images mentales. L'imagination peut exercer une pression sur le réel pour faire advenir des éléments et les mêler au déjà manifesté. L'imagination peut donc agir comme une boucle perceptive. On voit de nos yeux pour agir et naviguer dans le monde. Mais des êtres non-humains utilisent d'autres médias/organes que l’œil, la vision et s'en sortent très bien. L'imagination peut donc, en ce sens, être une perception particulière qui permet des boucles d'action et rétro-actions dans et entre le réel manifesté et le réel non manifesté ou mental. Et l'ensemble des deux entremêlés est forcément hybride, ce qui peut augmenter la confusion souvent. Par exemple, ce qu'on appelle "la culture" est composée de chose réelle, mais figurant des choses non-manifestes. A être trop dans le culturel, dont le culturel séculier, on peut se croire vivre dans un monde qui n'existe pas réellement, en dehors de nos têtes et nos supports technologiques (papiers, écrans, enceintes, discours, etc.). Mettons-nous d'accord que le réel manifesté est premier au mental. Le mental peut changer, les images dans nos têtes peuvent changer, mais le réel manifesté difficilement. Je peux m'imaginer voler dans les airs, mais le réel manifesté ne me le permet pas, cela n'existe que dans mon mental. Ah et l'imagination ça peut être en acte aussi d'une certaine façon. Pensons à une chorégraphie, à des rituels, mais aussi à toute activité manuelle, physique, bref tout ce qui peut solliciter quelque chose d'essentielle.





IMAGINATION : une forme de perception du possible, mais aussi de l'impossible (ou possible seulement de manière mentale et/ou par projection technologique). Cette perception peut aider à faire naitre dans le réel manifesté ce qui n'était alors qu'un possible. Il peut y avoir des boucles de retro-action, comme on se guide par boucles de retro-action visuelle, auditive, motrice, etc.

On peut imaginer des choses impossibles comme un humain volant (sans avion, juste avec son corps) et que cela ne se réalise jamais, mais cette image reste et provoque des conséquences et effets connexes/annexes. C'est-à-dire qu'en imaginant volant, on ne va pas voler, mais cela va peut-être nous donner des émotions qui vont nous conduire ailleurs, ou activer d'autres circuits d'imagination et nous faire créer autre chose dans un autre domaine, ou nous rendre prisonnier mental. On peut se méfier de l'écart entre l'imagination du possible et de l'impossible, ou faire attention au degré de possible. Aborder donc l'imagination comme une spéculation mentale. Une heuristique aussi. Soyons réalistes.
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