C'est quoi le travail ?
#PoèmeExpress n° 365
— Lucien Suel (@LucienSuel) 7 mars 2018
Le travail pic.twitter.com/LwUnRN2Rr7
C'est quoi le travail ?
Par "travail", on entend souvent le modèle salarial, c'est à dire une activité réglementée dans un cadre spécifique. Une activité sous statut administratif et l'obtention d'une contrepartie monétaire au suivi de codes horaires, de comportement, de production, de respect de hiérarchie. Le travail c'est louer son temps et certaines de nos capacités, dont émotionnelles et personnelles, contre une somme de monnaie fixée par avance et normalement stable dans le temps. Ce statut administratif donne accès à pléthore de protections et droits.
le GRATUIT & le VITAL
Cependant, le travail dépasse largement la notion de salariat qui elle est très récente, surtout dans sa popularisation. Toutes les activités ne sont pas salariales. Par exemple, les artisans ont un "régime" à part qui ne leur garanti aucun salaire par avance. Mais globalement, toutes les activités d'une personne et d'une population ne sont pas monétisées. Donner naissance en est l'exemple le plus symbolique. Aucune population ne peut survivre sans se reproduire, et pourtant on ne valorise pas monétairement cette "activité" qui est la plus essentielle. Pareil pour l'écologie, qu'on néglige alors qu'une bonne terre est un atout énorme pour des dizaines ou des centaines d'années. On argue souvent que le travail (salarial) est absolument nécessaire, mais cela est clairement secondaire rapport à la nourriture, à l'humanité, à la reproduction d'une population. Le gratuit en monnaie et l'hors-statut prévalent. Il y a une hypocrisie entre l'officiel et les actes. On insiste pour que tout soit dans les règles et déclaré mais on refuse de donner de la monnaie à des activités primordiales. On insiste sur le sacré du "travail" mais en même temps on néglige monétairement des activités vitales, et valorise monétairement des activités vraiment secondaire de chez secondaire, voire futiles. On va taper sur le travail "sous-terrain" alors qu'il est la forme la plus ancestrale d'échange. Car oui, le travail c'est l'échange d'humain à humain. Mettons ce point de côté, nous allons y revenir.
RDB & Automatisation
Aujourd'hui, notamment avec les discussions autour du RDB (revenu de base ou revenu universel) et l'automatisation grandissante de quantité de fonctions, on voit que la notion même de travail est déjà totalement différente. Car, dès le salariat, il y a une ASYMÉTRIE, rendue systémique, entre ce que le salarié produit et ce qu'il obtient, entre le salarié et le propriétaire. Je pense que K.Marx aura mieux à dire que moi là-dessus. Ces asymétries tendant à s'accroitre fortement, ces derniers temps, et on ne voit pas comment cette tendance pourrait ralentir ou s'arrêter, voire faire marche arrière. Car tout est rendu systémique, donc RIGIDE structurellement, à commencer par les mentalités et la conduites des habitudes des masses. On pensait que certaines activités étaient protégées de l'automatisation, mais on se rend compte qu'il y en a vraiment très très peu, même la création artistique, oui, oui. Quand une appli donnera accès quasi gratuitement et sans délais aux services d'un médecin ou d'un avocat, à quoi serviront tous ces étudiants qui se sont mis dans ces filières car on leur a fait croire que c'était des professions sures et valorisées et rentables ?
Les "géants" du web
Amen Google, amen FB, etc. On salut les "performances" des ces entreprises super jeunes. Par exemple, on salut l'idée qu'elles seraient très économe en main d’œuvre humaine. Mais c'est une blague, car quand on écrit ou like des pages sur des plateformes comme fb on travail pour fb. On y travail gratuitement en monnaie, on est payé en "nature", par des accès à des services standards sur lesquels on a aucun pouvoir de rétroaction. L'interface est imposée. Alors voilà l'illustration parfaite, servie sur un plateau que la valorisation en monnaie est une conversion du gratuit en monnaie. C'est une asymétrie encore plus grande que pour le modèle salarial. C'est à dire que c'est les utilisateurs qui fournissent des infos qui sont ensuite converties en monnaie. Sans utilisateurs la plateforme serait une coquille vide, un bâtiment à peine construit et à peine abandonné. Le sort de beaucoup de plateformes d'ailleurs. Il s'agit juste pour nos "géants" d'un monopole, ou oligopole, c'est à dire de l'exploitation et de la continuation de rigidités. Aussi, rappelons que beaucoup de grandes entreprises sont défaillantes en monnaie, comme twitter, mais continuent d'exister néanmoins par magie. Alors qu'à l'échelle d'un particulier, individu, ou PME, cette situation de défaillance monétaire serait l'occasion d'un acharnement systémique pour le tuer monétairement.
Échange social
Alors, le travail, c'est sensé avoir comme mono--objectif la seule et unique production. Mais le rôle vraiment primordial est l'échange entre individus et entre groupes méta-entités. Le travail n'est que de façon secondaire une production, il est avant tout une organisation sociale, une hiérarchie sociale et donc c'est de la politique. Concernant la production réelle, tout le monde produit quelque chose, tout le monde échange quelque chose, mais il y a des rigidités qui canalisent et disent ça ça vaut autant, ça ça vaut rien, ça tu n'peux pas faire ou seulement de telle et telle façon, tu devrais plutôt faire ça, etc. Il s'agit d'un cadre formelle, mais aucunement une réalité avec pour seul objectif la production. Car il y a des activités et échanges qui ne seront jamais officielles ou rentables en monnaie sur le court terme pour l'individu. L'exemple parfait de la prostitution sexuelle. C'est une activité qui pourrait être très rentable pour beaucoup de monde, il y a une demande certaine, mais le cadre refuse que ce soit possible, de façon totalement arbitraire. Et de ce fait, on voit la prostitution comme mauvaise socialement, et de ce fait on dévalorise leur activité et précarise tout un secteur. Voyez, je vous parlais d'hypocrisie. Ici, on a l'hypocrisie d'un côté de trouver normal et nécessaire et valeureux la prostitution salariale de son temps et de ses capacités d'attention, de réflexion et d'émotion, mais on trouve abjecte, et repoussant la prostitution artisanale de ses capacités sexuelles.
Développements actuels
Si on revient à la base du travail, qui est l'échange social, on voit donc que la valorisation monétaire des activités est en train de connaitre une extrême volatilité, et cela ne semble pas près de s'arrêter. De plus, on constate qu'on demande toujours plus de production, alors qu'avant, dans bien des cas le statut prévalait. Rappelons que la noblesse était avant un statut qui leur donnait accès à des ressources et aux bénéfices du travail des paysans. Le statut prévalait. Donc, aujourd'hui le statut semble disparaitre au profit de la production, ou productivité, sans qu'il y ait compensation réelle en monnaie. Au contraire même, on augmente les exigences de production en baissant et en faisant varier le prix de location des individus. On augmente aussi les obligations de représentations sociales, la teneur émotionnelle des individus, alors même que le statut est dévalorisé et le prix diminué. On est donc face à des déséquilibres qui se creusent et se ramifient, des exigences qui augmentent et des compensations qui diminuent et deviennent instables. A se demander ce qu'on trouve encore de bien au salariat sous sa forme actuelle et à venir ??
Développements potentiels
Le web est vraiment symbolique à ce niveau. Le salariat est avant tout un cadre. Dans ce cadre officiel et réglementé, il y a échange. Il y a aussi asymétries. Le modèle économique des plateformes du web est une généralisation de ces asymétries à des niveaux jamais atteint. Dans le salariat on déclare beaucoup de choses, et avec le web on déclare encore plus, on donne notre intimité, notre personnalité, nos émotions. C'est la TRANSPARENCE qui se fait totale. Mais si on va vers cette transparence, elle doit absolument s'appliquer à tous, à toutes les échelles, aussi bien aux individus, qu'aux groupes, qu'aux méta-entités comme les états, entreprises, etc. On parle souvent de travail dit souterrain, mais ce travail n'est souterrain QUE par rapport au cadre officiel. Or, ce cadre spécifique est récent. Pendant des millénaire toutes les activités se faisaient avec d'autres cadres, voire sans cadre. Va-t-on donc vers une transparence quasi totale ? Ce qui voudrait dire que TOUTE activité est potentiellement mesurable en monnaie. Cela impliquerait que l'organisation de l'économie se rationalise de plus en plus. Il n'y a pas d'un côté des activités qui vaudraient des millions et d'un autre côté des activités qui ne valent aucune indexation monétaire. Cela impliquerait aussi la fin de la spécialisation obligatoire. On n'aurait plus à se définir par une seule petite activité, mais par un ensemble d'activités, voire même à se définir en tant que soi, en tant qu'être entier. Par exemple, combien vaut la préparation d'un repas en famille ou en entre amis, combien vaut la vaisselle que je fais spontanément ? Est-ce que cette activité n'apporte vraiment rien à la société, ni aux individus ? Bien sur que si ! Mais le cadre valorise ceci et exclut cela de façon arbitraire.
Symbole & rationalité
Ah, oui, donc le travail sous statut constitue un ancrage psy et social très important. C'est d'ailleurs plus cela qu'on recherche. De même on cherche à se SENTIR utile. L'impression est plus importante que la réelle utilité. Car le problème de la valeur et de la rationalisation de la valeur monétaire de chaque activité est que l'on ne sait une action rationnelle et utiles qu'après coup, parfois après de long temps de latence. On privilégie donc de façon systémique le court terme et seulement sur certains activités. On passe donc à côté de quantité d'activités réellement utiles et réellement productives à cause des mauvaises rigidités du cadre officiel dont salarial. C'est à dire qu'il y a des activités qui sont totalement dévalorisées de façon injuste et injustifiée. Des personnes sont mises de côté, au ban de la société car ce qu'elles apportent et peuvent apporter est négligé par le cadre officiel. La valeur monétaire n'indexe pas la valeur réelle, ni le mérite de rien ni personne. Il faut savoir distinguer l'activité du statut de la monnaie. Ensuite faire quelque chose de plus juste et rationnel, plus intégratif que le cadre actuel. Un RDB peut être une bonne approche, un élément important de ce nouveau cadre. On ne peut pas supprimer le côté symbolique (social et identitaire) du "travail", cela fait partie de notre intime et ancestral mode de fonctionnement. Mais cela ne veut pas dire qu'on doit garder, voire protéger les accroissements d'inégalités monétaires au nom de ce même symbolisme. Au contraire !
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