Anarchie

L'expérience du rejet immédiat

   Vous saviez ? Mon premier livre s'intitulait "Le Manifeste du parti comme une liste au vent" (Spiritorama). Les réactions des gens étaient juste hallucinantes à la simple évocation du titre. Le rejet catégorique, immédiat et définitif. Le communisme ? Ah vite fuyons! Alors ce coup-ci je voudrais vous parler de l'anarchie, ou de l'anarchisme. Soyez en sur, évoquer ne serait-ce le mot vous obtiendrez une réaction similaire. Ces rejets catégoriques très répandus traduisent néanmoins une vérité sur nous mêmes.

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Ce que n'est pas l'anarchie

   L'anarchie. Sortez le mot et paf dans les esprits : enfer et apocalypse. Fulgurance d'images de guerre totale, de feu et de sang partout, de catastrophe ultime, et humaine et naturelle, la fin du monde quoi. Ahhhhhhh! Une autre option, moins brutale, serait que les gens s'imaginent des groupuscules de rebelles qui ne respectent rien, qui n'ont aucune morale, n'obéissent pas aux "règles". Alors, comment vous dire... non. Non non non, l'anarchie ce n'est rien de tout ce fatras. Je vous propose de mettre ces réflexes automatiques à la poubelle, parce qu'ils ne servent à rien pour comprendre le truc. Maintenant, si je vous ai toujours au bout de la ligne, rentrons dans le lard du sujet.
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Respect global &
reconnaissance de compétence

   L'anarchie c'est avant tout un état où l'on ne reconnait pas de supériorité fixe à une personne (sur d'autres), et cela dans tous les domaines : travail, famille, couple, amitié, voisinage, etc. Si une personne se révèle plus compétente qu'une autre sur un sujet, on laisse s'exprimer cette personne et ce sujet librement (tant que ça ne nuit à personne). L'anarchie n'est donc pas l'irrespect de la hiérarchie verticale, mais l'absence de hiérarchie pré-déterminée. Le but étant d'obtenir plus de respect global. Un simple statut ou titre ne fonde guère une légitime supériorité. S'y exprime aussi le refus de l'abstractivité de toute organisation. Une organisation n'a pas a être servi si en retour elle ne sert plus à rien, si elle ne respecte pas les individus.
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Faisabilité ? Utopie ? Rétro ?

   Des fonctionnements anarchiques ont dans l'histoire parfaitement réussis, jusqu'à ce qu'on les extermine. Mais on nous vend l'idée que cela est impossible et ne peut pas fonctionner. Bien entendu, il ne s'agit pas de convaincre par le discours. C'est absurde de dire que ça ne pourrait pas "marcher". C'est comme si avant d'avoir adopté notre fonctionnement actuel on nous avait demandé de juger si il était possible. Alors oui, il est possible parce qu'on y est. Mais retourne en arrière, et alors ce ne sera plus si évident. Exemple pratique : quand une personne est persuadée qu'elle ne peut pas cuisiner, et que "cuisiner c'est une perte de temps". Ça l'est effectivement jusqu'à ce qu'on lui apprenne, ou qu'elle apprenne par elle-même. Et alors tout le discours qui freinait auparavant apparaît rétrospectivement vain. Donc, l'anarchie c'est tout à fait possible, et ça peut être très bien.

Être ou être représenté ?

L'anarchie est une démocratie réelle, car non représentative. On assume la responsabilité directe de toutes nos décisions, c'est donc tout sauf enfantin et irresponsable. Ça ne fait pas envie aux représentants institutionnels, car ils deviennent inutiles. Ça ne fait pas envie aux gens qui préfèrent utiliser le système leur permettant d'être irresponsables de temps en temps. En fait, nous ne sommes pas dans une démocratie, car pour moi une démocratie ne peut pas être représentative (c'est à dire des gens qui sont censés vous représenter, donc qui parlent et agissent pour vous).

Respect sans concession

L'anarchie c'est le respect total. On ne fait pas de différence entre un type qui aurait un statut de PDG et un type qui serait artiste, et un type qui serait prof, et un type qui serait ministre, et un type qui serait ouvrier, et un enfant, et un vieux, blond, homosexuel, transgenre, hétéro, en jogging ou trois quart, etc. Bref tous ces labels bancales. On ne fait pas de différence entre les gens sur des principes absurdes. La réalité est que nous sommes tous vivants, nous évoluons tous sur la même terre, et que donc on n'a pas à faire des distinctions illusoires et sacrément tordues. La réalité est qu'une personne qui a gagné un million d'€ en un an n'a pas le droit à plus de respect et de considération qu'une personne à la rue. Si vous le faite c'est que vous juger une personne sur sa seule capacité à accumuler de l'argent pour lui, sans regard des moyens utilisés et des conséquences par ailleurs. Un humain est-il un agent dont le seul rôle est d'accumuler de la monnaie? Tout le crédit de respect, d'écoute du à une personne est associé à son argent, et donc c'est que vous êtes dans l'envie, donc vous voulez être autre que vous même. Je sais pas vous mais ça parait très bizarre comme fonctionnement. Et pourtant c'est la norme.

Retour de bâton

L'anarchie ? Reconnaître qu'une personne peut avoir un besoin plus urgent que vous, que vos actes, achats, votre travail ont des conséquences qui vont au delà de la simple accumulation de chiffre sur un écran magique. L'anarchie c'est le respect non sélectif. Bien entendu émotionnellement, socialement on ne peut accorder autant d'attention à tous, mais ça ne veut pas dire que 1 c'est impossible, que 2 sur cet argument vous avez le droit de mal traiter toutes les autres personnes. Dans une anarchie vous savez que si vous maltraiter une personne, vous vous maltraiter vous-mêmes directement et sur le long terme. Tandis que dans un système hiérarchique déterministe classique comme celui dans lequel on est, on essais d'éviter d'heurter une autre personne seulement pour éviter d'avoir les conséquences juridiques, c'est à dire sous la menace. Donc on peut faire du mal du moment que c'est autorisé et/ou qu'on se fait pas avoir par le système juridique. Voilà un système infantilisant et extrêmement chaotique.

Ordre évolutif

L'anarchie est un ordre évolutif qui incite les gens à plus de conscience, plus de respect, plus d'écoute. Nous n'avons pas à être systématiquement en compétition les uns contre les autres, selon des règles fixées par une poignée. On peut coopérer, unir les forces et les faiblesses pour combler nos besoins et nos aspirations, humainement. Et ce, sans imposer des règles injustes asymétriques. Ça c'est du concret. Tout le reste ce sont des bobards, des carabistouilles, des croyances qu'on nous a fait gober tout jeune et que nous répétons comme des programmes mis en boucle.

Rationnellement, logiquement, spirituellement, émotionnellement tout concourt vers le bien fondé de l'anarchie. L'avantage est que l'on n'a pas à l'organiser sur une grande échelle, mais justement ne pas faire l'effort de maintenir à tout prix l'organisation actuelle. 

Mafia officielle & gouvernement

Un gouvernement ne diffère d'un système mafieux que par l'acceptation d'une large majorité de la population appuyé et défendu par des lois. De même, une religion ne diffère d'une secte que par l'acceptation d'une large majorité de la population appuyé par des rituels s'insérant et rythmant la vie quotidienne (des lois religieuses). La seule différence est dans ce qui est accepté être normal. Or, ce qui est normal est ce avec quoi nous avons grandis et évolués, nous et notre famille, nos proches, et que nous voyons aussi être partagé par d'autres en majorité. Que ce soit politique ou religieux (qui n'a quasiment aucune différence), tout est affaire de croyances organisées, canalisées, d'une majorité vers et pour une minorité. Et on fait toujours appelle à de grandes abstractions comme dieu ou des valeurs de liberté, de réussite, d'éthique, etc.

L'anarchie est un ordre à la portée et la responsabilité de l'individu. Comment un seul humain peut-il décemment établir un ordre pour des millions d'individus? C'est de la folie complète. L'anarchie n'a donc pas qu'une forme, elle peut prendre plein de formes différentes, et c'est cela qui la rend inquiétante pour les gens habitués à un ordre hiérarchique stricte. Quand on y pense l'anarchie fait son chemin de nos jours en nos sociétés, des bribes ici et là apparaissent. L'anarchie est inéluctable, tout comme une forme de communisme.

Et la synarchie ?

On ne peut pas se dire anarchiste car ça ne se revendique pas, ce n'est pas un parti à défendre, une cause à rallier, ce n'est pas la liberté ultime et affranchie de la réalité, c'est justement un peu plus habiter la réalité ainsi que soi-même tout en prenant en compte les autres, et l'évolution naturelle et inéluctable du monde. L'anarchie, tout comme le communisme sont déjà présents un peu partout quand on y regarde bien. Car on peut les trouver dans un gouvernement, dans une famille, dans une entreprise, dans une amitié, dans un amour, chez des peuples sauvages, dans une dictature, etc. En fait c'est quelque chose de très naturel, sur lequel on revient tout le temps à un moment ou un autre, bien que nous faisions souvent de la hiérarchie une priorité, un repère, un refuge.

Si on transite vers l'anarchie, on devrait pouvoir aussi introduire une synarchie... Car il est bon d'accorder de la confiance à des gens capables d'avoir une méta-vision (compétence peu répandue) sur des sujets humains, le rôle de l'humain, sa destinée, ce pour quoi il s'éveille chaque jour, etc. Organiser la sagesse, une sagesse adogmatique.

Bien à vous,

​Valentin

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