Comme chaque nouvel outil, twitter avait la capacité de susciter une foule de sentiments contraires : enthousiastes, déprimants, enjoués, réalistes, haineux, bienfaisants, bienveillants. A chacun son lot d'expression reçu et à donner. Au début, on y exprimait tout et surtout n'importe quoi. Alors on se balançait des avis tranchés, des conseils hautains, des coups de blues, etc. Puis, à force de tout faire sortir, on se précisait, certains rejetaient en bloc twitter, d'autres s'en méfiaient, d'autres l'utilisaient sans avoir de pensée dessus. Les gens exprimaient beaucoup leur besoin de créativité. Ils aimaient la concision forcée, le partage spontané dans un vaste lieu - souvent anonyme, car pas forcément de réponse, or nous sommes programmés pour obtenir des réponses, un écho entre les individus dès qu'ils s'expriment. Des liens affectifs, parfois des communautés mouvantes surgissaient de temps en temps.
Imagine pouvoir dire ce que tu veux quand tu veux. C'est assez jouissif, pas vrai ? Tellement jouissif que certains devenaient vraiment à cran. Au plus ils passaient de temps sur twitter, au plus leur insatisfaction face au reste de leur vie grandissait. Plongée intense. Plongée où l'on se noyait facilement. Une grande partie de la population s'y est engouffrée et du jour au lendemain avec la disparition de la centralisation, d'internet, tout cet univers et ce stock de messages aussi divers qu'étonnants se sont envolés. Pas de stock. Plus rien. Mais la mémoire vive de toutes ces informations, de toutes ces données échangées en un seul élan. Les gens étaient contents d'avoir eu cette opportunité. Ils en gardaient un bon souvenir. Le souvenir d'une connexion possible avec des gens du monde entier sur tous les sujets. Ils vivaient mieux sans, car le stress s'était envolé avec la centralisation. Voilà, en gros, ce qu'était twitter à mes yeux, et d'après de qu'on m'a dit. J'espère que ça vous donnera une idée de la vie humaine de cette époque.