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L'ascétisme aujourd'hui

25/7/2019

 

Trop c'est trop !

SURABONDANCE. Oui, nous sommes bel et bien en situation de surabondance ; le fait qu'il y ait des aléas dans la "distribution" ou répartition des ressources "produites" ne change pas cette situation de surabondance. Peut-être que cette surabondance n'est pas une bonne chose, et peut-être qu'elle n'est pas du tout acquise, ou tout au mieux un climax qui annonce une chute. Là n'est pas le sujet de l'article. Il convient donc, pour commencer, de bien définir la situation, c'est-à-dire le contexte dans lequel nous sommes. Pas besoin de faire un topo sur comment trop c'est trop. Obésité. Pollutions. Gâchis. Saturations diverses, etc. Bien évidemment, quand on a peu ou pas assez, parler de faire moins est plus difficile que lorsqu'on est dans l'abondance. Le contexte global reste néanmoins à une abondance rapport à des époques passées. Et dans ce contexte, saute à nous, tôt ou tard, le besoin de trier, de cibler, d'établir des priorités. A vrai dire, on est obligé de trier, de sélectionner, ce n'est plus une option ou un principe, c'est une nécessité de plus en plus prégnante. L'histoire est souvent reprise à propos de bouddha. Il n'était pas un mendiant, un pauvre, mais quelqu'un de la haute comme on dit, et il se sentait probablement mourir dans cet excès qu'il n'avait pas choisi, qu'il ne comprenait pas donc, et qui lui sonnait probablement faux, à côté. Il a été à l'opposé, à se couper des richesses matérielles, de nourriture et du monde... pour finir par revenir vers un endroit intermédiaire entre ces deux extrêmes. Je ne répéterais pas l'expression "le milieu", ou "le juste milieu" car ce principe de modération en tout ne me semble pas précis, adéquat. Nous y reviendrons.
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Moins c'est mieux ?

Trop c'est trop. Et... Moins c'est mieux ? Moins comment ? Mieux en quoi ? Aujourd'hui, on semble redécouvrir un ensemble de pratiques ascétiques ancestrales. Quand trouver de la nourriture était difficile, il apparait peu probable que nous nous soumîmes à une restriction alimentaire. De même que par hiver et temps froid ne pas couper de bois pour se chauffer parait improbable. Aujourd'hui, il faudrait presque une dérogation spéciale pour couper un arbre, et on ne peut pas tuer un animal pour le manger soi-même en dehors de certaines règles strictes. Par contre, on peut acheter autant de bois qu'on veut et autant de viande qu'on veut. Et quelque part, ne rien faire soi-même, être même privé (interdit!) de cette autonomie élémentaire encourage une situation de surconsommation. Est-ce qu'on aurait besoin d'aller "à la salle" pour entretenir sa musculation après avoir abattu quelques arbres, tué et décarcassé un animal ? Est-ce qu'on souhaiterait consommer toujours plus après avoir fait tant de travail, et vu les conséquences directes de nos actes dans notre chair et dans l'environnement où ces ressources pour nous sont prélevées ? Ici je soulève la cohérence, ou, pourrait-on dire, l'alignement local. Alors cet exemple de couper du bois et tuer soi-même sa nourriture est une illustration poussée, fantasmant un retour à la nature, ou quelque chose de plus direct, brut. Ne nous arrêtons pas à une illustration, comprenons ce qui s'en dégage. De façon systémique on est forcé de ne rien faire directement. On doit donc trouver un ensemble de procédés de compensation pour retrouver une unité plus importante. Est-ce suffisant ? A priori non. Car nous consommons davantage que nécessaire, en moyenne. Et pas en majorité des choses vraiment nourrissantes, épanouissantes. Si on va dans le domaine du sexe, manger du porno sera peut-être gratifiant pour quelques personnes de façon instantanée, mais rien ne vaut une relation durable avec une naissance (au moins) à la clé. Ce n'est pas dire qu'absolument tout le monde est ainsi, ou devrait être ainsi, c'est néanmoins notre ligne directrice et indéfectible.
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abstinence, privation, ascèse...

Dans notre contexte de surabondance, il n'est pas étonnant de voir émerger différents mouvements promouvant l'ascétisme. Bien entendu, la plupart ne vont pas reconnaitre ces pratiques ou principes comme ascétiques car le terme est connoté religieux. Et le religieux semble être vu comme quelque chose du passé, que donc il faut du nouveau, d'où le recours au marketing (conscient ou non) pour coller à la narration de "progrès" où tout doit être nouveau, ou du moins avoir l'apparence de nouveau. L'écologisme s'inscrit parfaitement dans ces néo-ascétismes, avec le pendant décroissant, notamment, ou la croissance "verte/durable". On trouve aussi le minimalisme, une quête de l'épure matérielle, qui n'a rien de nouveau mais qui se glisse ici et là, en tant que principe. Le jeûne semble faire son grand retour aussi. Et bien sûr, c'est "la science" qui dit que c'est bon, car tout autre justification ne serait pas rationnelle, pas recevable. Différents niveaux de jeûne existent. On pourrait élargir cela à l'abstinence en général, allant de l'abstinence totale à l'abstinence ponctuelle. Pas de drogue, pas d'alcool, pas de tabac, pas de sucre peuvent être des formes d'abstinence. Le mot abstinence induit l'idée qu'on se sépare ou se retreint d'une chose. Mais parfois nous sommes abstinents spontanément. Peut-être qu'une personne n'aime pas le tabac, et alors elle ne se prive pas. L'abstinence c'est tout simplement écarter certaines choses de soi, de son quotidien, que ce soit pour des raisons pratiques, ou des principes. Est-ce vraiment de la privation quand on n'en a pas de besoin ? Est-ce vraiment de la privation que de se passer des conséquences néfastes long terme d'une chose plutôt positive (sur un plan) en court terme ? Est-ce vraiment de la privation que de se passer d'une chose qui va nous rendre dépendant, nous posséder ? Bref.
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Forcé/délibéré

Ces ascétismes nous poussent vers le moins. Mais est-ce forcément une bonne chose ? Par exemple, si je suis forcé à manger moins je risque d'être sous-nourrit, et ce contre mon grès en plus. Là où nous voyons que ces pratiques ascétiques doivent de préférence venir de soi et non être imposées de force. On vient à l'ascétisme, car l'ascétisme forcée c'est simplement de la maltraitance délibérée. Dans une pratique qu'on voudrait hormétique, on peut se maltraiter un peu, à une certaine dose, de façon volontaire et mesurée. Mais la mortification n'est plus vraiment de l'ascèse. Et la maltraitance d'autrui n'est pas de l'ascèse non plus. Bien sûr, il y a parfois un ensemble de conditions réunies qui nous mettent dans une situation forcée d'ascèse, de stress involontaire circonstanciel. Quand, en plein hiver, le chauffage ne marche plus, on est forcé d'accuser le coup du froid, ou de trouver des subterfuges. Dans ce cas là, nous ne pouvons pas accuser la météo de maltraitance, ni le chauffage d'être barbare. La situation est ainsi, rien de plus. Quasi inévitable. Ce qui me semble important à souligner est la caractéristique volontaire, délibérée. On peut proposer un cadre propice à l'ascèse, ou carrément un cadre ascétique, mais pas l'imposer contre la volonté, car l'on sort dès lors de l'ascèse. L'ascèse n'est pas qu'individuelle, à vrai dire elle est souvent portée par le collectif. D'où les monastères, les communautés spécifiques, etc.

Tellement moins que plus rien

Au sein de cette ascèse portée par le collectif, on peut trouver différentes dynamiques sociales, dont beaucoup deviennent des démonstrations. Par exemple il peut se mettre en place une sorte de compétition de celui qui sera le plus ascétique, ce qui peut être drôle éventuellement, mais qui peut aussi être pervers. Retrancher toujours plus jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien. Regarde, je ne pèse plus que 35Kg, et toi 40Kg, du coup je suis plus ascétique que toi. Et oui, ça vous fait penser à l'anorexie. Quelque part, oui, certaines pratiques ascétiques sont maladives. Et cette dynamique de vouloir toujours moins se retrouve dans des pratiques excessive aussi, c'est le même schéma. L'avarice, être radin, c'est être ascétique sur ce qu'on donne, mais pas sur qu'on garde pour soi. Voyez les chemins détournés que cela peut prendre. Essayons d'appliquer ces raisonnements aux ascétismes contemporains : écologisme, jeûne, minimalisme, retraites, etc. Eh oui, les "retraites spirituelles", par exemple, peuvent être un chemin de perdition, on se retrouve accro à une abondance, ou permanente surabondance de discours pseudo spirituels, de techniques corporelles et mentales venues de coins exotiques, etc. Là où nous voyons que le toujours moins ne correspond pas vraiment à de l'ascèse, que ça peut même être le contraire, qu'il y a simple déplacement du problème de la surabondance.

Le plus, le moins et le ni-plus-ni-moins

On serait tenté aussi, systématiquement, de faire de l'ascèse une vertu. Dès qu'une personne ferait ascèse de ceci-cela elle serait d'emblée vertueuse. A l'inverse, si on ne partage pas certains excès, on est vite à se voir traiter comme inférieur, même si c'est un choix. Comme déjà présenté avant, si je ne fume pas de tabac, ce n'est pas par privation, si je ne bois pas à chaque fois une boisson alcoolisée je ne suis pas systématiquement en privation. Ne pas avoir de désir pour ou ne pas pouvoir faire certains excès semble assez souvent perçu comme quelque chose de négatif (et du coup pathologisée). Et il est vrai que nous avons besoin de certains "excès", qui peuvent relativement donc au contexte, ne plus être vraiment des excès mais la simple normalité. Dans le jeûne, il y a les mots anglais qui sont intéressants fast pour jeûner, et feast pour faire bonne chère. Fast/feast. En français, on a surtout l'homonymie entre le jeûne, ne pas manger, ou manger moins, et l'adjectif jeune, de jeunesse, qui est parlante. On peut donc dégager de l'anglais cette idée qu'il est nécessaire de faire des excès ponctuels tout en se privant par ailleurs. Et on peut dégager du français que les pratiques ascétiques peuvent conserver, voir nous rendre plus neuf, nous renouveler, nous rafraichir. Mais n'oublions pas que le concept d'excès se révèle souvent être un jugement sur autrui et/ou sur soi. La relativité où un "excès" pour l'un serait la norme pour un autre, sans que ce soi "mal". Si je suis très bon pour dessiner, je ne suis pas en excès, et dessiner tous les jours n'est pas un excès. Importance du contexte. Et ce n'est pas dire que tout jugement est mal non plus, car le jugement peut s'avérer bon guide, positif au final, même si perçu négativement sur le coup.
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Définition de l'ascèse

Le toujours moins peut être la même chose que le toujours plus. L'écologisme privatif peut n'avoir rien d'ascétique, mais tout de tyrannique, pervers, et d'excessif. Les objets (dont idées) que nous possédons finissent par nous posséder, ce n'est pas une métaphore. Mais ces objets, cette matérialité est aussi le lieu de l'échange. Pour autant, on serait tenté ici de se conformer à une généralité du "juste milieu", qui peut elle aussi s'avérer excessive, forçant le monde à la médiocrité en tout point, à la tiédeur, au compromis mou, à l'absence de toute particularité, à une négation de soi et d'autrui, du genre "tout est illusion". Toutes ces génuflexions que je vous propose ici comme cheminement via cet article sont comme pour éviter qu'on se mente, qu'on adopte une posture ou imposture du tout excès, ou tout ascèse, l'un pouvant être l'autre, en réalité. Est-ce que l'ascèse est une vertu ? Peut-être parfois. Le concept d'excès ou surplus peut venir de nos capacités d'attention et de compréhension, mais plus globalement de limite inhérente à toute chose. L'humain ne peut pas courir à plus de 45km/h, il ne peut pas manger 12 steaks de bœuf tous les jours toute sa vie. Bref, il y a des limites inhérentes qui font que la "croissance" ne peut plus continuer en tout point, tout le temps, partout. Et qu'il y a en plus des conséquences à ces performances, le choc :)

On va donc tenter de poser pour finir cet article une définition de l'ascèse.



Ascèse : pratique essentiellement volontaire consistant à diminuer voire supprimer de façon surtout ponctuelle un élément (objet, substance, pratique, etc) qui semble chroniquement en situation de surabondance et de ce fait potentiellement problématique, dans le but d'échapper aux ou de diminuer les conséquences néfastes de cette situation.


Bien ?
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