Oui, peut-être sur certaines choses précises, en effet.
Mais avant de s'auto-célébrer sur sa capacité à se laver les mains, il faudrait se pencher sur ce qu'est l'hygiène. Etymologiquement, et l'étymologie ne dit pas tout d'un phénomène, le mot hygiène renvoi à quelque chose comme "bon pour la santé", ou "ce qui favorise la santé". Cette définition est très large, et ne correspond pas vraiment à notre définition usagère actuelle. A vrai dire, aujourd'hui, on imagine que l'hygiène est un ensemble de techniques (rituels) de protection, de prévention. Le point important est l'aspect technique, technicien de cette hygiène actuelle. Voir quelqu'un en tenu chimique asperger au pulvérisateur un endroit donne l'impression d'hygiène radicale, d'épuration totale, de puissance.
L'hygiène aujourd'hui est donc uniquement dépeinte comme quelque chose de technique, de forcément bénéfique, d'une chose à augmenter à démocratiser toujours plus, sur toujours plus de domaines. Mais comment cela se déroule exactement ? Il s'agit de stériliser, tout ou partie, un endroit (de la peau, de la population, de l'estomac, d'une blessure, d'un plan de travail, d'un aliment, etc.).
Voilà, le concept est lâché : l'hygiène aujourd'hui est quasiment synonyme de stérilisation.
Stériliser c'est tuer. C'est à dire que la notion du sain et du pathogène est la notion du soi et de l'autre. On en revient au rapport à l'autre, car ce phénomène dépasse la santé (physique) seule. On fait de même dans l'agriculture, dans la culture, dans la pensée, etc.
Donc, le fait que l'hygiène soit présentée comme quelque chose de technique amène la dynamique de surenchère. Il faut augmenter les fréquences des rituels et augmenter les doses, les puissances. De même qu'un ordinateur doit de génération en génération être toujours plus puissant. C'est la dynamique technicienne de fond. Le problème inhérent de cela est que la technique sert d'excuse à plein de choses qui n'ont rien à voir à l'hygiène véritable. On tombe dans une surenchère ironiquement stérile, voire carrément néfaste. Ainsi, employer des gens à pulvériser des salles de classes ou des bars contre un virus spécifique (celui dont tout le monde parle actuellement) habillé en tenu radioactive avec des produits puissants qui font pshit tient du folklore le plus total. Mais habitués que nous sommes aux images des films, ça nous rassure, et on se sent moins démunis face à "la nature" (ici un virus). On a cette croyance aussi que la puissance d'une chose est toujours proportionnelle à la dose (et à la fréquence). Ce qui est facilement démontable par de simples observations, mais la croyance est tenace.
Le fait que l'hygiène agisse aujourd'hui principalement, si ce n'est uniquement, par stérilisation traduit aussi quelques problèmes fondamentaux inhérents, qu'on sait détecter pour l'antibiorésistance entre autres, mais que soudainement on oublie pour tout le reste. La stérilisation ne peut qu'être partielle, car on ne peut pas tuer tout organisme, surtout les micro-organismes. Ce côté partiel est suffisant pour des blessures par exemple, et aussi pour certaines infections, et autres. Mais nous prétendons à la stérilisation totale, ce qui est impossible. Mais nous prétendons à une stérilisation toujours plus forte, ce qui augmente le gâchis de ressources et les potentiels problèmes globaux sur le long terme souvent. La stérilisation est tuer directement ou indirectement. Tuer directement est simple à comprendre, pas besoin d'explication. Tuer indirectement est empêcher un organisme (grand ou petit) de manger, de grandir, de se reproduire, de se déplacer, de changer, etc. La stérilisation opère par tuerie directe ou tuerie par différents procédés d'isolation. On voit clairement en détaillant ces procédés qu'il s'agit du rapport à l'autre. Dans une guerre entre groupes humains supposés opposés, s'attaquer au ravitaillement alimentaire est un moyen de gagner, par exemple. Dans une société, si on veut se défaire d'une personne on va la sanctionner par la défection de certains de ses droits. Isolation, pose de contingences, de restrictions. C'est de l'hygiènisme. Le rapport à l'autre. L'eugénisme agit aussi par procédé d'élimination, exemple des beaucoup de femmes de pays scandinaves notamment qui ont eu le "choix" étatique et sociétal de se stériliser pour cause de trouble mental jusque récemment.
L'hygiène par stérilisation est la politique de la table rase bien souvent. On élimine tout, dans le doute, et par défaut. Il ne s'agit pas d'ajouter mais de supprimer. Pourtant, avec les observations en microbiologie et en écologie, on devrait commencer à comprendre que la stérilisation systématique n'est pas toujours une bonne option, parfois tout le contraire. Car par cette stérilisation, l'envahissant revient souvent plus vite. Facile à comprendre au jardin et les fameuses "mauvaises" herbes (en fait, celles dont on ne veut pas mais qui reviennent systématiquement). Ainsi, la stérilisation peut rendre pathogène des organismes qui étaient inoffensifs. Il y a un affaiblissement du milieu, cet affaiblissement est une opportunité. Les mycoses des pieds apparaissent souvent chez des sportifs, c'est à dire des personnes qui se lavent souvent. Entretient d'un milieu humide par l'isolation d'avec le sol et le lavage et affaiblissement de la biodiversité microbienne par les solvants, désinfectants.
Le propo de cet article n'est pas de ne jamais plus se laver, de ne jamais plus de désinfecter ou se traiter, mais bien de le faire avec mesure, de rester les pieds sur terre, et d'éviter de faire n'importe quoi, de créer des problèmes en voulant en supprimer un à tout prix.
On a des procédés de stérilisation ancestraux avant la techno-médecine actuelle. Par exemple, l'alcool. On boit de l'alcool pour l'effet sur la conscience, et des rituels sociaux de partage, mais il s'agit aussi foncièrement d'une stérilisation partielle. De même, l'utilisation de la myrrhe dans les églises traduit une stérilisation aérienne partielle, et le tabac aussi stérilise en partie les voies respiratoires. Ce qui est curieux est qu'on dit que l'alcool peut être mauvais pour la santé, le tabac aussi à plus forte raison (justement parce que c'est partiellement stérilisant) mais on fait exactement le contraire par le recours massif de stérilisants épidermiques, de surfaces, microbiens (dont viral) sans penser un seul instant que cela pourrait aboutir à exactement le même résultat néfaste par ailleurs. Focalisation sur un effet cible de court terme en oubliant l'ensemble des effets connexes de court et long terme. On sait que le tabac est un stimulant, on l'utilise pour ça. Mais le côté stimulant n'est pas proportionnel à la dose ni à la fréquence, et les conséquences sont multiples, dont dépendance (effet de non-retour !). En fait, le côté stimulant est simplement un effet de réponse à une stérilisation. Le corps en stress actionne le cerveau et autre pour trouver des moyens de retrouver un pseudo-"équilibre". Le fait de chauffer des aliments (ou le procédé spontané de la fièvre) ou de mettre dans des milieux acides constitue aussi des moyens de stériliser partiellement.
Donc, avant tout engouffrement dans la stérilisation (hygiène), il faut mesurer l'ensemble des conséquences des procédés que l'on veut utiliser et massifier, surtout les effets connexes, de long terme, et les effets de dépendance (c'est-à-dire de non-retour). L'augmentation des allergies et intolérances diverses n'est pas sans lien avec la stérilisation tout azimut.