Nous y voilà donc. Le MM semble historiquement s'être développé en contradiction d'explications dites politiques ou théologiques et autres. Mais a son tour il s'agit de parler de totalité, voire d'exhaustivité explicative du monde : tout est X (ici, matière), expliquons, étudions la matière. Comme si cela était radicalement différent d'une théologie. Peut-être que ça a pu l'être à d'autres époques, et peut-être que ça l'est encore dans la tête de certains aujourd'hui, je vise les religieux notamment, ainsi que les scientistes. Mais ça ne l'est pas/plus aujourd'hui. Comment peut-on dire "tout est matière" sans savoir de manière absolue ce qu'est la matière ? On peut le supposer, le présupposer.
La matière est antérieure à la vie, la vie ne serait qu'un état particulier de la matière, et en plus tardif. En cherchant à renverser les perspectives, on nous disait que nos sens nous trompaient, qu'il fallait des outils et des méthodes pour aller au delà de ces "biais". Tout en présupposant que les outils soient forcément "fidèles", ou meilleurs que nos sens. Ainsi on ne va plus au delà, on ne fait que déplacer les éléments que nous considérions à un point donné comme problématiques. Utilisant la logique, on a dit que les sens humains étaient faux, et que le vrai était dans les faits/données/mesures des outils. On pourrait me rétorquer ici qu'il ne s'agit que d'une méthode et pas d'une explication. Ce qui est ironiquement une explication méthodique pour éliminer toute discussion sur ce point. Qu'une chose puisse n'être qu'une méthode, dans le sens d'être totalement isolée et sans conséquence sur tous les autres domaines peut s'avérer comme une sorte de négation de l'idée de causalité. Logiquement, ça ne tient pas, quand bien même on nous rebat les oreilles de la superbe cohérence logique de toute cette entreprise.
Attention, je ne suis pas en train de faire un procès à moi tout seul au MM. Il est évidemment très intéressant et vital à certains égards. Je ne fais ici que de pointer quelques incohérences. Je reformule. Une chose, ici une méthode, peut-elle être absolument séparée de tout le reste ? En laboratoire, on peut créer des conditions d'isolation partielle, d'ordre matériel, de certains éléments, comme des micro-organismes par exemple. Mais peut-on décemment penser qu'une dite "méthode" puisse être isolée du reste ? A l'heure où j'écris cet article on parlerait de quarantaine (qui par définition est temporaire et partielle). On peut évoquer aussi le principe des prisons. Et voilà, on revient donc au principe de contingence. Peut-on rendre contingente une méthode ? En lisant des plaidoyers pour le matérialisme méthodologique, sur lequel se base ce qu'on appelle accessoirement la science, il y aurait par exemple une coupure nette entre ce qui est identifié comme "philosophie" (qui dans ce contexte signifie quelque chose de verbeux, de non rigoureux et même un biais) et ce qui est devenu une entité autonome et totalement distincte qu'est la MM. Cela tient d'une croyance, une croyance en la contingence. Est-ce que cette supposée contingence - que chaque individu pourrait se diviser et laisser au vestiaire tout ce qui serait considéré par les autorités et la charte de la MM comme déviant, contraire ou à risque - est plausible ? On pourrait alors me dire que non, pas à 100%, mais que ça n'empêche pas de diminuer au maximum, du mieux que l'on peut, ces "biais". Mais cela remet en cause la pureté prétendue du MM. Tout en disant que l'humain est un facteur limitant.
Chaque présupposé, même si on le voudrait, dans l'idéal, isolé du reste, se retrouve bel et bien dans une écologie diverse, composite, mixte, hybride, etc. La différence entre le souhaitable et le réel ? Le souhaitable serait une méthode ? Cela ne colle pas des masses aux prétentions initiales. Si l'on veut être "logique" et seulement logique. Le MM se base en partie et véhicule donc la croyance en la contingence. Cette croyance ne va pas rester dans ce seul domaine, elle va dériver, varier, muter. Ainsi, via le MM on dit en sous-nappe que l'humain est une boule de biais, ce qui est peut-être vrai sous un certain angle. On dit aussi que l'on peut faire des choses en absolue isolation du reste. Qu'il n'y a pas de conséquence à ceci et cela parce qu'elles sont isolées, et surtout parce qu'on les veut isolées. Paradoxalement on nie en partie la causalité, ou au moins on la fait s'arrêter là où ça semble arranger. Si on peut comprendre les principes de rigueur derrière le MM, ses justifications et prétentions dépassent amplement le cadre. Je sais que ces justifications viennent souvent en réaction à des attaques, souvent des attaques peu brillantes mais diablement embêtantes malgré tout. En voulant se défendre on dépasse parfois le cadre. Justement on dépasse le cadre. Comme si on pouvait vraiment poser "un cadre" qui resterait en place tel quel à travers le temps et l'espace. Idée de pureté qui n'a rien de spécifique et de nouveau au MM.
En tant que chrétien, j'ai maintes fois lu et entendu des critiques à l'encontre de la prière. Il est possible que certaines personnes priantes croient vraiment en une causalité directe de type prière > obtention. Je demande une grande villa pour ma famille, je prie pour l'avoir, si je l'ai c'est grâce à Dieu, si je ne l'ai pas, c'est grâce à Dieu aussi. On passe à côté, je pense de ce qu'est la prière. Certains peuvent certainement penser que ça marche comme une liste au père au Noël ou que c'est un ensemble de demandes qui comme un pari peuvent aboutir. Des façons de voir qui me sont douteuses, mais qui peuvent être prises ainsi par certains priants. Mais même en ce cas, ce n'est pas ce mécanisme qui rend la prière pertinente. On retombe ici sur l'ordre du souhaitable et du faisable. Il est clair qu'en tant que croyant comme on dit, je ne rejette aucunement la réalité de ce qu'on appelle la matière. Je n'exclus pas non plus la possibilité que ce qu'on appelle la matière et qui a priori expliquerait tout soit plus complexe qu'on ne le pense, qu'on peut fort probablement ignorer la partie caché de l'iceberg, encore et encore. La contingence a aussi cette signification de détail, ou d'un élément qui est pris comme détail ou périphérique et qui change tout ou presque dans certaines circonstances. Tout est prévisible ? Non, il y a la contingence. Une sorte de dérivée du concept d'aléatoire ou de hasard. L'aléatoire comme ensemble des interactions ou alors des interférences. Sont-ce vraiment des "interférences" ? D'autres parlent parfois de propriété émergente aussi comme concept relais d'un élément qui viendrait changer toute la perspective (ou presque).
Attention, je ne dénigre aucunement ces croyances en la contingence. On donne le nom qu'on veut. Il faut savoir traduire. A=A marche dans son propre domaine, mais pas forcément partout. Je pense par exemple, et cela va me faire passer pour un woowoo peut-être sur le coup, que jouer à la guerre, même sur un "jeu" en ligne ou sur plateau, ou en scénario, ne se limite pas à au média. Il n'y a pas de simulation totalement gratuite et isolée, contingente. On dit que des jeux vidéo violents ne rendent pas violents. Oui, il y a des mécanismes qui peut-être agissent en abaissant la violence par ailleurs. Mais si on pense aux mécanismes utilisés dans la publicité, ce n'est pas ainsi que ça fonctionne. La causalité n'est pas aussi directe et franche. Il ne faut pas être naïf sur ce point, et surestimer notre "conscient" (je n'aime pas trop cette référence mais par défaut...).
La croyance en la contingence peut se révéler très agréable. Puisque tout est là et seulement là et que tout s'arrête à ma mort, ma responsabilité, mon existence, etc. Bizarrement, en arguant de rationalisme ici, on coupe la causalité où ça nous arrange. Ce à quoi on va peut être invoquer le rasoir d’Ockham, l'hypothèse la plus simple, la parcimonie, tout ça. C'est un pari. Pourtant la parcimonie ne s'applique pas dans les calculs, dans l'usage des observations via divers outils et expériences, on en a jamais assez semble-t-il parfois. A méditer.