Chapitre 5 - Fast fable
Bergues
Entre deux tours
Une tour carrée, une tour pointue
Maé et Eden dans leur véhicule avaient effectué le dernier bond de voiture jusqu’en ce lieu. C’était la nuit - nuit profonde - des lueurs provenant de lampes artificielles - spot spot - magnifiaient l’étrangeté des lieux. Par quel sort s’étaient-elles retrouvées là, côte à côte, ces tours ? Si mystérieuses. La place était déserte. Il n’y avait que du gravier au sol. Pas de vent. On pouvait pourtant sentir du mouvement, comme des danses joviales et un peu folles dans les airs. Les tours étaient sur un parvis légèrement surmonté. Maé et Eden sortirent de l’habitacle de la voiture, et observèrent les alentours. Alls inspectaient toujours un peu avant de pénétrer dav[i] en ces mondes. Maé kiffait grave ce curieux endroit malgré son air taz[ii] inquiétant. All descendit du parvis, et se retrouva dans la pénombre habitée des ifs aux baies rouges. Ce lieu l’étonnait en for, car il paraissait à la fois lugubre et chaleureux. Sans qu’une qualité prenne dessus l’autre. Globalement, all s’y sentait confortable. Aussi n’y avait-il personne, ce qui ly[iii] rassura, mais chagrina légèrement Eden. Un lieu magique et étonnant, de semblance humains-déserté. Maé scrutait les sous-bois du parc aux tours. On ly voyait presque se transformer en esprit de la forêt tant all semblait réjouie et légère, comme flottante dans la brume figée en suspens. Eden était retourné dans la voiture, s’affairer à nous ne sav[iv] quoi, façon frénétique.
A travers les hautes branches, Maé regardait à nouveau vers les tours. All surpris un vol plané d’oiseau, au plumage noir de jais. C’était un corbeau qui avait du s’élancer de la tour carrée jusque dans le doux vide air. Ce leste zozio. All se fit cash admiraya[v] de son caractère si marqué, lui qui passait iem[vi] derrière la tour pointue. Maé tourna donc son regard vers quelques bosquets et surpris en cours de pivot un glitch rose. Ici était le règne du foncé : des teintes noirâtres, brunâtres, vert profond, le jaune envoutant des lumières électriques. Et àtra[vii] tout cet obscur nuancier - blop - surnageait une couleur, une goutte en éclair, un roz pétant. Le cerveau s’alarme, il faut se décider. Etait-ce une erreur de perception ? Etait-ce là une illusion d’optique ? Au fond, l’esprit sait toujours ce qu’il en est, mais l’alarme continue de retentir. Oui, c’était réel, un oiseau perché sur ses longues échasses comme des bâtons articulés et vivants. Son plumage était rose bonbon, et sa couleur n’était guère altérée par les div[viii] reflets des environs. Il était comme un objet posé mais totalement isolé des effets normaux de la physique. Avec son bec crochu, il pivota la tête vers Maé, qui, en guise de surprise, mis sa tête en arrière – tout comme l’air d’attendre un dénouement à cette improbable situation. Le gros piaf rose penchait sec son crâne en biais, tout en continuant de regard-fixer. Se redressant, il…
-C’est quoi ton blaz buddy ?
-Pardon ?
-Bah c’est quoi ton blaz, ton petit nom quoi ?
-Maé, et toi ?
-Tu sais ce que tu peux aller faire de vraiment sympatoche ? Viens, suis-moi. Laisse ton pote, il est fort occupé, d’façon.
Le flamant rose parlait avec des accents étranges, des intonations belges prononcées il bifurquait vers un russe carabiné, à un flot de petite frappe, de canaille, de fripouille, de lascar.
Maé, sans mot dire, suivi le flamant dans les rues. Il était intarissable, très bavard. Ca tombait bien car all aimait, la nuit, qu’on lui raconte des histoires. Mais il parlait de choses vraiment bizarres, genre sa marque de whisky préférée ou comment marcher comme un égyptien antique. Maé ne comprenait pas tout, mais ça ne la dérangeait pas, car all estimait que c’était un peu le but de toutes les histoires de ne pas tout comprendre. Le flamant parlait maintenant avec un accent de vieux mafieux ayant trop fumé, comme dans un de ces doublages de film. All commençait à l’apprécier cet énergumène, aussi fantasque fut-il. Il disparu devant all pendant marche. Volatilisé dans l’invisible. Evanescence à fur, il parlait sans discontinuer. Les derniers mots que Maé entendis furent :
« aléa jacta est rhododendron flibustier de mes deux, bizu de merde, il se prend pouru qui ? Le phare d’Alexandrie ? avec sa parabole satellite. Maintenant on est dans la fibre optique et lui il ramène ses vieilleries de bordel en disant « c’est la vérité, je vous le dis ». N’empêche, la dernière fois je l’ai bien mouché, on s’est pris le bec et depuis il reste dans son magasin poussiéreux. Mais je vais te dire, j’en suis fort aise. »
Le flamant avait disparu, mais Maé était encore dans l’inertie de sa présence, ce décalage en nous que chaque être-évènement de l’existence engendre. All fut à nouveau surprise dans sa marche solitaire. Un petit homme replet se trouvait sur le trottoir à sa droite. Il la regardait avec l’air enjoué de quelqu’un qui invite au partage.
-Salutation à toi, humain du voyage.
Tu préfère les frites au vinaigre ou au sel ?
-Salut, euh.. frites à la moutarde c’est possible ?
-Bah, j’ai eu peur que tu me dises « pas de frite, merci ». Tu sais, maintenant, ici, il faut se méfier, les gens y font des manières. Ils chipotent pour les huiles de cuisson. Ah.. comble du comble y’en a qui font des frites sans huile. Comment peut-on imaginer des choses pareilles, j’te l’demande moi !!
-Non, j’aime bien les frites, je vous rassure.
-Eh pas de vous avec moi, t’as cru que j’étais ministre du cosmos ou quoi ?
-Okay, je prends note… tutoiement.
-T’es du genre discret toi, tu réfléchis, tout ça. Bah à vrai dire je réfléchis pas mal moi aussi, mais quand il est question de frite ça je rigole plus c’est sur !
-Okay, je comprends.
-Tu comprends !? Bon aller viens on va se trouver une baraque à frite, ça sera bon à son cœur.
Arrivés devant un camion ouvert sur le flanc, un néon rouge sur la devanture, Maé demanda :
-Au fait, tu t’appelles comment ?
-Ah foutre merde, j’oublie la politesse ici ! Me v’là bien tiens.
Appelle-moi Apo, fiu.
-Apo fiu ?
-Non, juste Apo.
-Fiu c’est quoi alors ?
-Ah oué c’est vrai t’es pas du coin. J’ai l’impression on se connait depuis tout petit comme de la famille ou quoi. Fiu c’est comme gars, ou mec, ouu frangin, ou cousin si tu veux.
-Ah ! oh c’est une expression affective en quelque sorte.
-C’est ça.
Ils se turent. Une attente très respectueuse, au relent de sacré. Un autre client passait sa commande :
« ‘soir. Américain sauce samouraï siouplait. »
Le monsieur de la baraque à frite griffonna sur un bout de papier la commande. Il la répéta à voix haute à sa femme. Elle s’affairait à prendre le pain et une portion de frites pas cuite encore.
-Ce sera tout ?
-Euh mettez un cervelas en plus, à côté.
-Oui, s’il vous plait.
…
-Messieurs.
Apo approcha doucement avec une allure presque d’humilité, tout en étant bien droit et sur de lui.
-Tu prends quoi déjà ?
-Une frite avec de la moutarde.
-Ah oué ! Bon alors ce sera une tite frite et une moyenne. Un pot’ch[ix] moutarde et un bet’ch[x] fromage fondu aussi.
-Ce sera tout ?
-Ce sera tout ! Merci.
Les gens de la frite s’affairaient à la préparation, mais Maé ne voyait pas trop ce qui se passait exactement, donc ça restait un peu un secret.
-Tu ne m’as pas demandé comment je m’appelle.
-Mais je sais déjà figure-toi. Toi c’est Maé, c’est ça ?
-Oui ! c’est exact. Mais comment peux-tu le savoir, on ne se connait pas ?
-Comment, on se connait pas ?! On est en train de parler là et puis on va manger une frite ensemble, c’est comme si on se connaissait depuis toujours. Tu sais quand on mange une frite ensemble c’est un moment convivial, et on le fait pas avec n’importe qui, c’est comme si c’était intime, tu vois, un moment privilégié. Bon d’accord, aujourd’hui on mange des frites partout dans le monde, mais déjà y z’ont pas de baraques à frite, et puis c’est différent, on peut pas comparer. Chez nous c’est ancré, on mange pas des frites comme les zotes[xi]. On a notre philosophie si tu veux. Bon oué, ça t’emmerde peut être un peu toutes ces histoires de frites. Je sais que tu t’appelles Maé parce que le flamant rose me l’a dit au téléphone avant que tu arrives. Alors il m’a raconté votre rencontre, et puis je me suis dit que manger une frite ce serait une bonne idée.
-Tu as déjà vu le flamant rose ?
-Bah oui qu’est-ce que tu crois fiu, je suis né ici, ai grandit ici et j’y suis toujours. C’est toute ma casa c’t’endroit, alors je le connais plutôt bien.
-Avec du sel ?
Le monsieur de la frite venait de verser les frites dorées et fumantes dans les petites barquettes en plastique. Ca débordait largement, formant un mont très appétissant. Il était comme stoppé dans son rituel, en attente d’un nouveau signe pour continuer. Le côté solennel de la situation surprenait beaucoup Maé, ça contrastait avec le côté un peu dérisoire.
-Tu veux du sel ?
-Non..euh..
-Bon, j’en prends juste un peu moi.
Le monsieur de la frite emballa soigneusement dans le papier toutes les frites et les sauces. C’était méthodique, précis. Le papier était assez épais, et comportait les mentions <les frites c’est la fête> suivi d’une tête d’otarie souriant bras ouverts en motif mosaïque infini.
-Je l’aime pas trop lui. Murmura Apo en se penchant vers Maé.
-Ah oui ? C’est qui ?
-Bah il ne m’a rien fait, je sais même pas qui c’est, mais sa figure, elle me revient pas.
Apo parlait d’un jeune homme qui venait de les contourner sur le trottoir pour continuer son chemin.
-Qu’est-ce qu’on disait ?
-Voilà !
Le monsieur de la frite tandis à deux bras le paquet.
-Merci, bon courage.
-Merci, bonne soirée.
La femme de la frite dit au revoir au loin dans sa baraque, couvert par les crépitements des huiles.
-Oué ce flamant rose, c’est un sacré coco. Rusé comme un renard. Malin comme un singe.
Entre deux tours
Une tour carrée, une tour pointue
Maé et Eden dans leur véhicule avaient effectué le dernier bond de voiture jusqu’en ce lieu. C’était la nuit - nuit profonde - des lueurs provenant de lampes artificielles - spot spot - magnifiaient l’étrangeté des lieux. Par quel sort s’étaient-elles retrouvées là, côte à côte, ces tours ? Si mystérieuses. La place était déserte. Il n’y avait que du gravier au sol. Pas de vent. On pouvait pourtant sentir du mouvement, comme des danses joviales et un peu folles dans les airs. Les tours étaient sur un parvis légèrement surmonté. Maé et Eden sortirent de l’habitacle de la voiture, et observèrent les alentours. Alls inspectaient toujours un peu avant de pénétrer dav[i] en ces mondes. Maé kiffait grave ce curieux endroit malgré son air taz[ii] inquiétant. All descendit du parvis, et se retrouva dans la pénombre habitée des ifs aux baies rouges. Ce lieu l’étonnait en for, car il paraissait à la fois lugubre et chaleureux. Sans qu’une qualité prenne dessus l’autre. Globalement, all s’y sentait confortable. Aussi n’y avait-il personne, ce qui ly[iii] rassura, mais chagrina légèrement Eden. Un lieu magique et étonnant, de semblance humains-déserté. Maé scrutait les sous-bois du parc aux tours. On ly voyait presque se transformer en esprit de la forêt tant all semblait réjouie et légère, comme flottante dans la brume figée en suspens. Eden était retourné dans la voiture, s’affairer à nous ne sav[iv] quoi, façon frénétique.
A travers les hautes branches, Maé regardait à nouveau vers les tours. All surpris un vol plané d’oiseau, au plumage noir de jais. C’était un corbeau qui avait du s’élancer de la tour carrée jusque dans le doux vide air. Ce leste zozio. All se fit cash admiraya[v] de son caractère si marqué, lui qui passait iem[vi] derrière la tour pointue. Maé tourna donc son regard vers quelques bosquets et surpris en cours de pivot un glitch rose. Ici était le règne du foncé : des teintes noirâtres, brunâtres, vert profond, le jaune envoutant des lumières électriques. Et àtra[vii] tout cet obscur nuancier - blop - surnageait une couleur, une goutte en éclair, un roz pétant. Le cerveau s’alarme, il faut se décider. Etait-ce une erreur de perception ? Etait-ce là une illusion d’optique ? Au fond, l’esprit sait toujours ce qu’il en est, mais l’alarme continue de retentir. Oui, c’était réel, un oiseau perché sur ses longues échasses comme des bâtons articulés et vivants. Son plumage était rose bonbon, et sa couleur n’était guère altérée par les div[viii] reflets des environs. Il était comme un objet posé mais totalement isolé des effets normaux de la physique. Avec son bec crochu, il pivota la tête vers Maé, qui, en guise de surprise, mis sa tête en arrière – tout comme l’air d’attendre un dénouement à cette improbable situation. Le gros piaf rose penchait sec son crâne en biais, tout en continuant de regard-fixer. Se redressant, il…
-C’est quoi ton blaz buddy ?
-Pardon ?
-Bah c’est quoi ton blaz, ton petit nom quoi ?
-Maé, et toi ?
-Tu sais ce que tu peux aller faire de vraiment sympatoche ? Viens, suis-moi. Laisse ton pote, il est fort occupé, d’façon.
Le flamant rose parlait avec des accents étranges, des intonations belges prononcées il bifurquait vers un russe carabiné, à un flot de petite frappe, de canaille, de fripouille, de lascar.
Maé, sans mot dire, suivi le flamant dans les rues. Il était intarissable, très bavard. Ca tombait bien car all aimait, la nuit, qu’on lui raconte des histoires. Mais il parlait de choses vraiment bizarres, genre sa marque de whisky préférée ou comment marcher comme un égyptien antique. Maé ne comprenait pas tout, mais ça ne la dérangeait pas, car all estimait que c’était un peu le but de toutes les histoires de ne pas tout comprendre. Le flamant parlait maintenant avec un accent de vieux mafieux ayant trop fumé, comme dans un de ces doublages de film. All commençait à l’apprécier cet énergumène, aussi fantasque fut-il. Il disparu devant all pendant marche. Volatilisé dans l’invisible. Evanescence à fur, il parlait sans discontinuer. Les derniers mots que Maé entendis furent :
« aléa jacta est rhododendron flibustier de mes deux, bizu de merde, il se prend pouru qui ? Le phare d’Alexandrie ? avec sa parabole satellite. Maintenant on est dans la fibre optique et lui il ramène ses vieilleries de bordel en disant « c’est la vérité, je vous le dis ». N’empêche, la dernière fois je l’ai bien mouché, on s’est pris le bec et depuis il reste dans son magasin poussiéreux. Mais je vais te dire, j’en suis fort aise. »
Le flamant avait disparu, mais Maé était encore dans l’inertie de sa présence, ce décalage en nous que chaque être-évènement de l’existence engendre. All fut à nouveau surprise dans sa marche solitaire. Un petit homme replet se trouvait sur le trottoir à sa droite. Il la regardait avec l’air enjoué de quelqu’un qui invite au partage.
-Salutation à toi, humain du voyage.
Tu préfère les frites au vinaigre ou au sel ?
-Salut, euh.. frites à la moutarde c’est possible ?
-Bah, j’ai eu peur que tu me dises « pas de frite, merci ». Tu sais, maintenant, ici, il faut se méfier, les gens y font des manières. Ils chipotent pour les huiles de cuisson. Ah.. comble du comble y’en a qui font des frites sans huile. Comment peut-on imaginer des choses pareilles, j’te l’demande moi !!
-Non, j’aime bien les frites, je vous rassure.
-Eh pas de vous avec moi, t’as cru que j’étais ministre du cosmos ou quoi ?
-Okay, je prends note… tutoiement.
-T’es du genre discret toi, tu réfléchis, tout ça. Bah à vrai dire je réfléchis pas mal moi aussi, mais quand il est question de frite ça je rigole plus c’est sur !
-Okay, je comprends.
-Tu comprends !? Bon aller viens on va se trouver une baraque à frite, ça sera bon à son cœur.
Arrivés devant un camion ouvert sur le flanc, un néon rouge sur la devanture, Maé demanda :
-Au fait, tu t’appelles comment ?
-Ah foutre merde, j’oublie la politesse ici ! Me v’là bien tiens.
Appelle-moi Apo, fiu.
-Apo fiu ?
-Non, juste Apo.
-Fiu c’est quoi alors ?
-Ah oué c’est vrai t’es pas du coin. J’ai l’impression on se connait depuis tout petit comme de la famille ou quoi. Fiu c’est comme gars, ou mec, ouu frangin, ou cousin si tu veux.
-Ah ! oh c’est une expression affective en quelque sorte.
-C’est ça.
Ils se turent. Une attente très respectueuse, au relent de sacré. Un autre client passait sa commande :
« ‘soir. Américain sauce samouraï siouplait. »
Le monsieur de la baraque à frite griffonna sur un bout de papier la commande. Il la répéta à voix haute à sa femme. Elle s’affairait à prendre le pain et une portion de frites pas cuite encore.
-Ce sera tout ?
-Euh mettez un cervelas en plus, à côté.
-Oui, s’il vous plait.
…
-Messieurs.
Apo approcha doucement avec une allure presque d’humilité, tout en étant bien droit et sur de lui.
-Tu prends quoi déjà ?
-Une frite avec de la moutarde.
-Ah oué ! Bon alors ce sera une tite frite et une moyenne. Un pot’ch[ix] moutarde et un bet’ch[x] fromage fondu aussi.
-Ce sera tout ?
-Ce sera tout ! Merci.
Les gens de la frite s’affairaient à la préparation, mais Maé ne voyait pas trop ce qui se passait exactement, donc ça restait un peu un secret.
-Tu ne m’as pas demandé comment je m’appelle.
-Mais je sais déjà figure-toi. Toi c’est Maé, c’est ça ?
-Oui ! c’est exact. Mais comment peux-tu le savoir, on ne se connait pas ?
-Comment, on se connait pas ?! On est en train de parler là et puis on va manger une frite ensemble, c’est comme si on se connaissait depuis toujours. Tu sais quand on mange une frite ensemble c’est un moment convivial, et on le fait pas avec n’importe qui, c’est comme si c’était intime, tu vois, un moment privilégié. Bon d’accord, aujourd’hui on mange des frites partout dans le monde, mais déjà y z’ont pas de baraques à frite, et puis c’est différent, on peut pas comparer. Chez nous c’est ancré, on mange pas des frites comme les zotes[xi]. On a notre philosophie si tu veux. Bon oué, ça t’emmerde peut être un peu toutes ces histoires de frites. Je sais que tu t’appelles Maé parce que le flamant rose me l’a dit au téléphone avant que tu arrives. Alors il m’a raconté votre rencontre, et puis je me suis dit que manger une frite ce serait une bonne idée.
-Tu as déjà vu le flamant rose ?
-Bah oui qu’est-ce que tu crois fiu, je suis né ici, ai grandit ici et j’y suis toujours. C’est toute ma casa c’t’endroit, alors je le connais plutôt bien.
-Avec du sel ?
Le monsieur de la frite venait de verser les frites dorées et fumantes dans les petites barquettes en plastique. Ca débordait largement, formant un mont très appétissant. Il était comme stoppé dans son rituel, en attente d’un nouveau signe pour continuer. Le côté solennel de la situation surprenait beaucoup Maé, ça contrastait avec le côté un peu dérisoire.
-Tu veux du sel ?
-Non..euh..
-Bon, j’en prends juste un peu moi.
Le monsieur de la frite emballa soigneusement dans le papier toutes les frites et les sauces. C’était méthodique, précis. Le papier était assez épais, et comportait les mentions <les frites c’est la fête> suivi d’une tête d’otarie souriant bras ouverts en motif mosaïque infini.
-Je l’aime pas trop lui. Murmura Apo en se penchant vers Maé.
-Ah oui ? C’est qui ?
-Bah il ne m’a rien fait, je sais même pas qui c’est, mais sa figure, elle me revient pas.
Apo parlait d’un jeune homme qui venait de les contourner sur le trottoir pour continuer son chemin.
-Qu’est-ce qu’on disait ?
-Voilà !
Le monsieur de la frite tandis à deux bras le paquet.
-Merci, bon courage.
-Merci, bonne soirée.
La femme de la frite dit au revoir au loin dans sa baraque, couvert par les crépitements des huiles.
-Oué ce flamant rose, c’est un sacré coco. Rusé comme un renard. Malin comme un singe.
lexique
[i] Diminutif de « davantage »
[ii] Très
[iii] Equivalent de « la, le » en hors genre
[iv] Savoir, du créole
[v] -aya : neutre des préfixe –eur, -euse, -rice, etc.
[vi] Ici Et Maintenant : iem
[vii] A travers
[viii] Divers
[ix] Dunkerquois de « pot de »
[x] Dunkerquois de « bout de »
[xi] Déformation « des autres » >> des zotes
[ii] Très
[iii] Equivalent de « la, le » en hors genre
[iv] Savoir, du créole
[v] -aya : neutre des préfixe –eur, -euse, -rice, etc.
[vi] Ici Et Maintenant : iem
[vii] A travers
[viii] Divers
[ix] Dunkerquois de « pot de »
[x] Dunkerquois de « bout de »
[xi] Déformation « des autres » >> des zotes