Chapitre 4 - ELN
Une lumière noire. Une entité lumineuse extrême, sans la moindre émission blanche ou colorée de photons. Ces êtres ont une surface à la fois translucide et opaque. Leurs limites sont visibles et invisibles, au-delà même de l’œil. Ils ne dorment jamais, ils ne meurent jamais, ils ne sont pas vivants. Par mesure du compréhensible, nous les désignerons par les lettres eln. Leur existence est unitaire, leur environnement d’espace noir - infini - de la même composition qu’eux. Aucune émotion, aucun raisonnement, aucune sensorialité. Point n’étaient-ils privés de désirs et de volonté, étrangers en étaient-ils absolument. Les elns, nunca nés, ne pouvaient nul-connaitre les choses dont nous sommes fait, nous, humains : savoirs, idées, nourritures, relations leur sont totalement étrangers. Cependant, une forme essentielle, commune entre l’humain et l’eln, serait la verticalité de leur corps. Mais la semblance s’arrête dans l’absence de gravité et de support référentiel fixe déterminé. Qu’est-ce que la verticalité sans terre, sans surface plate ? Qu’est-ce que la verticalité sans pied, sans besoin de marcher sur du solide, sans tête, sans sudsou, sans équilibre ? Voilà tout le dilemme d’exposer l’existence des êtres de lumière noir à travers ce livre et par une humanité soumis à tant de règles.
Les elns avaient cette particularité de disposer d’une émothèque évanescente. Chaque eln allait et venait dans le plus grand ordre. Alles prenaient et donnaient de leur force à des évènements, des phénomènes, des moments de la vie d’humains. Le tout formait un ensemble de cubes noirs transparent et opaque sans lumière. Les cubes étaient vus, inspectés et exhaussés. Ils formaient de grands complexes flottant dans l’espace avec cohérence. L’émothèque pourrait se décrire comme une source d’hypothèses. Chaque joie d’enfant devant la découverte d’un insecte rouge à pois noir, chaque chagrin d’amour, chaque pensée, chaque mouvement d’humain forme un cube, une hypothèse. Par ces allers et venues d’elns en émotek, les cubes se modifient et les ensembles de cubes se transfigurent. Tout se recombine par ajout, retrait, déplacement, concentration. Il y a des montagnes qui deviennent cercles parfaits, des vagues qui deviennent des piliers de temples. Rien n’est fixe, tout change, mais avec une fréquence moins élevée que pour les elns qui eux, sont d’éternels transfigurés. Alles ne faisaient aucune différence entre l’hors et l’en émothèque, car comme il a été dit, alles ne sont pas humains, n’ont pas d’émotion ni raison. Alles ne connaissent pas : l’envie, la guerre, le besoin, la nécessité, le sentiment d’urgence, la contingence. Pour essayer de comprendre comment sont les elns, il faut commencer par mettre en parenthèse tout ce qu’est humain en nous.